Depuis 15 jours- trois semaines, les cours des céréales se sont repliés d’une dizaine d’euros. Le 9 février, une tonne de blé valait 221 € à Rouen.
Les prix des céréales sont appelés à rester durablement élevés, pendant au moins deux ans, selon Dan Basse, président d’AgResource Company (États-Unis). L’expert participait à la nouvelle édition du Paris Grain Day organisée par Agritel, l’organisme spécialisé dans la gestion des risques des marchés agricoles. Et ses prévisions de prix reposent sur les niveaux de stocks de céréales et de soja, aux Etats-Unis, en fin de campagne.
Ces prévisions semblent être partagées. En Russie, le gouvernement va instaurer une nouvelle taxe flottante à partir du 1er ou du 2 juin prochain, pour juguler l’inflation des prix des produits alimentaires.
Si la tonne du prix du blé vaut alors plus de 200 dollars (167 € pour 1 $ à 1,2 €) – un cours rémunérateur en Russie – la nouvelle taxe serait égale à 70 % de la différence entre le prix de vente FOB et 200 € [0,7 x (prix FOB-200 $)]. Pour l’orge et le maïs, la taxe sera appliquée dès que le prix de la tonne excédera 185 $ (132 €).

Une fiscalité inflationniste

Mais pour ne pas payer les taxes, les agriculteurs russes pourraient être tentés de différer leurs ventes de blé. Ils en ont les moyens.
De plus, l’annonce du gouvernement russe survient une quinzaine de jours après avoir promulgué des taxes fixes pour ces deux céréales et pour le maïs. Celle du blé, de 25 € par tonne (€/t), entrera en vigueur le 15 février prochain (50 €/t le 1er mars suivant).
La seconde partie de la campagne d’exportations est d’ores et déjà tendue. Les pays de l’hémisphère sud peinent à prendre le relais tandis que les stocks des pays du nord s’amenuisent après six mois de campagne d’exportations très dynamiques.
Les semaines à venir seront cruciales. Dans l’hémisphère nord, l’hiver est loin d’être fini. Les abondantes précipitations de neige et de pluie, qui s’abattent sur l’ensemble des céréales d’hiver, pourraient les altérer.
Toujours soumises à l’influence de l’El Nina, les perspectives de production de maïs sont de nouveau revues en baisse en Argentine. On annonce une récolte de 46 Mt, alors que 58 Mt avaient été produites la campagne précédente (source CIC).
Au Brésil, la Safrina peine à être implantée en raison des précipitations. Celles-ci retardent les récoltes de soja. Et dans les ports de la mer Noire, les exportateurs de grains écoulent un maximum de grains avant qu’ils ne soient taxés.

Du maïs OGM en Chine

Toutefois, les pays importateurs n’ont pas encore acheté les quantités de grains nécessaires pour couvrir leurs besoins d’ici la fin de la campagne.
Signe des temps et de tensions en matière d’approvisionnement, les pays méditerranéens se tournent vers l’Union européenne, boudée en début de campagne, pour couvrir leurs besoins. L’Algérie prévoit d’acheter 630 000 t de blé européen, et en partie français, et l’Égypte importera 240 000 t de blé français.
Sur le marché du maïs, l’UE ne contribue pas à tendre les cours mondiaux. Elle a acheté moins de 10 Mt depuis le début de la campagne (- 4 Mt par rapport à l’an passé). Mais la Chine, reconstituant sa filière porcine au pas de marche, est l’objet de tous les regards. L’empire du milieu importe et importera des quantités croissantes de maïs. Cependant, les accords commerciaux passés avec les États-Unis l’incitera à privilégier l’origine américaine pour s’approvisionner.
En 2021, l’empire du milieu pourrait au moins doubler ses échanges commerciaux agricoles avec les États-Unis en important 36 milliards d’euros de commodités, selon Rosa Wang, analyste des marchés. Elle participait aussi au Paris Grain Day. Toutefois, la production chinoise de maïs sera davantage destinée à la fabrication d’aliments au détriment de la filière éthanol.
Mais la Chine projette aussi d’augmenter de 20 Mt à 40 Mt par an sa production de grains en vulgarisant la culture plus productive de variétés de maïs OGM.