À la veille des arbitrages qui vont déterminer les aides de la PAC pour la période 2023-2027, quatre associations spécialisées dans les grandes cultures – l’AGPB(1), l’AGPM(2), la CGB(3) et la FOP(4) – tirent la sonnette d’alarme sur les propositions mises sur la table dans le cadre du Plan Stratégique National (PSN). Il faut faire vite, car les travaux sur la réforme devraient être terminés d’ici fin mai !

Ayant pris connaissance des scénarios proposés par la DGPE(5) pour les aides du premier pilier (aides directes) de la prochaine PAC, elles se sont mobilisées le 24 mars lors d’un conseil d’administration commun exceptionnel. Et le constat est alarmant, vu les orientations qui pourraient être prises, notamment sur le rythme de la convergence des aides, le taux de paiement redistributif, ou l’accès à l’éco-régime.

Convergence des aides

La concertation au niveau national porte sur plusieurs points. Il y a d’abord la question de la convergence des aides : doit-elle rester partielle (70 % aujourd’hui) et aller jusqu’à 85 %, ou être totale, c’est-à-dire donner les mêmes aides directes pour tout le monde ? Cette dernière option signifierait une perte de 160 M€ pour la filière.

Et puis, il y a les éco-régimes qui sont la grande nouveauté de cette nouvelle PAC. Ils sont instaurés pour rémunérer les services rendus par le maintien ou la mise en place, par les agriculteurs, de pratiques agronomiques favorables à l’environnement. Le taux n’est toujours pas fixé, mais il devrait se situer entre 20 et 30 %. Les producteurs de grandes cultures craignent de ne pas pouvoir y avoir accès en totalité à cause des critères de diversification des assolements trop restrictifs, et perdre ainsi 62 €/ha d’aides, soit 30 % du montant des aides du premier pilier. Les quatre syndicats soutiennent que de l’éco-régime doit être uniforme quelle que soit la voie pour y accéder, même si pour le ministère de l’Environnement, la voie royale, c’est le bio !

Pas de décroissance

À côté de ces mesures qui s’appliquent à tous, existent des mesures ciblées de politique agricole. Par exemple, le plafonnement des aides ou le paiement en distributif. Le compromis trouvé en janvier dernier, au sein de la FNSEA, propose de rester à 10 % de redistribution et de les appliquer jusqu’aux 63 premiers hectares (au lieu de 52 ha actuellement).

La réforme ouvre également la possibilité de consacrer une partie des enveloppes des aides du premier pilier aux programmes opérationnels, en les ouvrant notamment à la filière betterave.

« On ne s’oppose pas au changement, mais il faut une politique qui oriente l’agriculture et qui ne va pas vers la décroissance. Sans rentabilité, on ne peut pas faire d’efforts sur l’environnement », déclare le président de la CGB. Franck Sander s’inquiète aussi de l’impact du Green Deal sur la PAC, qui va encore demander des réductions de l’utilisation des pesticides et des engrais, notamment.

Si les propositions du ministère restent en l’état, les grandes cultures risquent d’être encore les grandes perdantes, comme lors des deux dernières réformes. Les syndicats estiment que les producteurs ont perdu 1 milliard d’euros d’aides en 15 ans, soit 160 €/ha perdus pour les grandes cultures depuis 2007. Une perte qui pèse aujourd’hui sur les revenus. Sans ces aides, plus de 50% des exploitations présenteraient un revenu négatif.

Bien que fragilisées, les quatre présidents Daniel Peyraube (AGPM), Éric Thirouin (AGPB), Franck Sander (CGB) et Arnaud Rousseau (FOP) appellent les agriculteurs à se mobiliser pour « une PAC équilibrée et ambitieuse qui soit réellement au service de la souveraineté de la France et de l’Europe ».

(1) Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales

(2) Association Générale des Producteurs de Maïs

(3) Confédération Générale des planteurs de Betteraves

(4) Fédération française des producteurs d’Oléagineux et de Protéagineux

(5) Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises.

Ce que demandent les syndicats des grandes cultures
  • Le revenu des producteurs de grandes cultures doit être sécurisé par les aides du premier pilier ; l’augmentation des transferts vers le second pilier doit donc cesser.
  • La convergence des aides doit être limitée et compensée pour les situations les plus impactées.
  • Les aides couplées doivent être adaptées afin de compenser les effets de la convergence et favoriser la structuration des filières, voire par le développement de programmes opérationnels.
  • L’éco-régime, destiné à accompagner la transition agroécologique, doit être accessible à tous et sans distinction de modèles, avec la reconnaissance de schémas de certification tels que la certification environnementale de niveau 2 et la certification maïs. Aussi, la certification des pratiques, telle la certification environnementale de niveau 2, la certification maïs, comme le recours à des pratiques agronomiques vertueuses, doivent permettre l’accès à ces programmes.
  • Le taux du paiement redistributif doit être limité à 10 % et s’appliquer jusqu’à la dimension moyenne des exploitations françaises (63 ha).
  • Une protection des exploitations face à la multiplication des aléas, grâce au développement des outils de gestion des risques et, plus particulièrement, de l’assurance climatique, avec un déclenchement dès 20 % de perte.
  • Un soutien amplifié à l’investissement pour les exploitations de grandes cultures afin de favoriser les transitions et, en particulier, pour les zones intermédiaires, ces territoires aux potentiels de production limités par des contraintes naturelles, nécessitant en effet une aide complémentaire.