Dans le cadre de la nouvelle PAC, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2023, une partie de l’aide directe du premier pilier sera accessible via un nouveau schéma, appelé « éco-régime ». Il financera des actions menées par les agriculteurs en faveur de l’environnement. L’enjeu est de taille. Selon le ministère de l’Agriculture, son budget devrait peser 1,6 milliard d’euros sur les 8,9 Mds d’€ que la France touche annuellement de la PAC. La CGB estime que ce nouveau programme pourrait représenter un tiers (entre 60 et 75 €/ha) de ce qui est touché actuellement par un betteravier. Mais son mécanisme fait encore l’objet de discussions dans le cadre de celles consacrées au Plan stratégique national (PSN) (lire Le Betteravier français n°1127 page 9).

D’après la proposition présentée le 19 mars par la DGPE*, l’éco-régime serait composé de deux niveaux. Selon son profil, une exploitation agricole pourrait prétendre au niveau supérieur et toucher le montant maximal par hectare ou ne prétendre qu’au niveau standard, soit une aide d’un montant inférieur (sans détail connu à ce jour). Mais si l’agriculteur ne remplit aucun critère, il ne faut pas exclure l’hypothèse de non atteinte du niveau inférieur.

Trois voies d’accès seront possibles pour bénéficier de l’éco-régime, au libre choix annuel, de l’agriculteur :

  • la voie de la certification de l’exploitation dans son ensemble. La certification bio donnerait par exemple accès au niveau supérieur. « En revanche, la voie de la certification environnementale de niveau 3 (HVE) ou d’un éventuel niveau 2 amélioré n’est pas statuée », assure Timothé Masson, en charge du suivi de la réforme de la PAC à la CGB.
  • la voie « Biodiversité et paysages agricoles » permet d’atteindre un niveau supérieur seulement si plus de 10 % de la surface agricole utile (SAU) est constituée « d’infrastructures agro-écologiques non-productives » (jachères, haies, mares, fossés, etc.).
  • la voie « Pratique de gestion agro-écologique des surfaces agricoles » devrait être la plus couramment utilisée par les betteraviers. C’est celle que nous avons choisi de vous présenter en détail.

Si cette voie est choisie par l’agriculteur, son exploitation se verra associer un nombre de points en fonction de ses pratiques. Dès quatre points, il touchera le niveau standard d’éco-régime et, s’il obtient cinq points ou plus, il obtiendra le niveau supérieur (voir tableau).

Parmi les enseignements, il est à noter que :

  • les intercultures ne font pas l’objet d’une prise en compte, ni les surfaces non productives, à l’exception des jachères considérées comme prairie temporaire.
  • la volonté de développer les cultures protéiques fait qu’elles sont privilégiées dans le calcul de points.
  • les cultures que l’on peut qualifier de traditionnelles font l’objet d’un même bloc : les céréales d’hiver (blé, escourgeon) ; les céréales de printemps (y compris maïs, orge de printemps) sont fusionnées avec les plantes sarclées (betteraves, pommes de terre). Les oléagineux de printemps (colza de printemps, tournesol) sont, à l’opposé, distingués des oléagineux d’hiver (colza d’hiver, moutarde).
  • Les « autres cultures » sont les légumes de plein champ, le lin, le chanvre, et éventuellement le miscanthus.

Selon Timothé Masson de la CGB, « des exploitations situées dans certaines régions auront plus de facilité à obtenir cinq points sans trop modifier leur assolement, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, du fait de la place importante des légumes de plein champ et des prairies temporaires, mais aussi en Normandie, grâce à la culture du lin et des prairies temporaires et en Champagne, grâce à la luzerne. En revanche, beaucoup d’exploitations d’autres régions auront du mal à atteindre ne serait-ce que trois points comme le Centre, l’Île-de-France et l’Alsace, où, hors blé, les rotations se font majoritairement au sein de la catégorie céréales de printemps et plantes sarclées : orge, betterave et maïs ».

Pour les associations spécialisées (AS) de la FNSEA en grandes cultures AGPB, AGPM, CGB et Fop, certains aménagements doivent être pris en compte :

1 – Aménager le bloc des cultures traditionnelles

Une des ambitions de cet éco-régime est la diversité culturale, qui permet une gestion agro-écologique des surfaces. « Néanmoins, en l’état, certaines rotations ne sont pas encouragées », estiment les quatre AS. « Le traitement du bloc de cultures traditionnelles est questionnable et incompréhensible. Il faut absolument séparer les céréales de printemps et les plantes sarclées pour encourager les pratiques telles que betterave/blé/orge de printemps ou betteraves/maïs, car il s’agit de rotations à intérêt agronomique », souligne Timothé Masson.

2 – Faciliter l’attractivité des protéagineux

S’engager dans une nouvelle culture nécessite une phase d’appropriation. Engager directement 5 % de la surface d’une exploitation peut être difficile pour un agriculteur, d’autant plus concernant les protéagineux dans certaines zones à forte pression parasitaire. Pour encourager ces cultures, les quatre AS souhaitent que ces cultures soient encouragées dès 2 % de la surface en terres arables.

3 – Faciliter l’attractivité des oléagineux

Traiter différemment les oléagineux de printemps et d’hiver, avec 10 % de la surface pour chacune, semble une aberration pour l’AGPB, AGPM, CGB et la Fop qui estiment qu’il « faut rebâtir le système de points pour les oléagineux, comme pour les protéagineux ».

4 – Valoriser les intercultures et bonifier la diversification

Pour les quatre associations, il « convient également de prendre en compte les pratiques agro-environnementales tout au long de l’année, et donc les intercultures pour leur effet sur la réduction d’intrants ». Certaines intercultures restent plus longtemps en terre que la culture principale : c’est le cas du lin ou du pois de printemps qui ne demeurent que 100 jours en terre, contre près de 120 jours pour l’interculture qui suit (fréquemment de la moutarde). « Un mécanisme de prise en compte de ces intercultures mériterait d’être mis à l’étude, tout comme la création d’un point supplémentaire dès que l’exploitation a cinq ou six cultures différentes, quelles qu’elles soient, car elles peuvent répondre à des débouchés locaux, ou à des contraintes agronomiques spécifiques », estime Timothé Masson de la CGB.

*Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises