La vague de froid survenue au lendemain du week-end de Pâques a conforté le choix de Jérôme Gallois de ne semer ses parcelles de chanvre qu’à la mi-avril. Les jours précédents, le temps était pourtant clément. L’agriculteur aurait pu alors être incité à implanter cette culture précocement. Mais le sol doit être suffisamment réchauffé pour que la graine germe et que la plante se développe rapidement, afin de couvrir le sol et d’empêcher la levée des adventices.

Agriculteur à Échemines dans l’Aube, Jérôme en a semé 27 hectares afin d’honorer le contrat quinquennal conclu avec sa coopérative La Chanvrière. Il doit livrer 187 tonnes de paille rouie et non rouie (ou jaune). Ce contrat garantit à l’exploitant un chiffre d’affaires entre 1 300 €/ha et 1 650 €/ha. La tonne de chanvre rouis est payée 165 € et celle de paille jaune 110 €. Par ailleurs, Jérôme écoule le chènevis (graines de chanvre) moissonné (entre 7 q/ha et 12 q/ha) payé 520 € la tonne ces dernières années.

Cultiver 22 ou 23 ha de chanvre aurait été suffisant pour produire son contrat, mais Jérôme se donne une marge de sécurité. Les épisodes de sécheresse et de fortes températures affectent les rendements en tiges. Par ailleurs, l’agriculteur n’hésite pas à implanter du chanvre dans les parcelles de petite dimension ou éloignées du siège de l’exploitation. Car une fois semée, la plante ne nécessite pas d’intervention pendant le cycle de végétation. Et si la production de chanvre est excédentaire, La Chanvrière collecte les tonnes de paille produites hors contrat, car elle ne manque pas de débouchés. L’industrie des biomatériaux est en vogue.

Depuis 1992, la culture de chanvre fait partie de l’assolement très diversifié de l’exploitation de Jérôme. C’est une tête de rotation partagée avec la luzerne et la betterave sucrière. La culture du chanvre fait aussi partie des principes de l’agriculture de conservation des sols (cultures intermédiaires des pièges à nitrates – Cipan, mulching, rotation diversifiée, restitution de la paille etc..) auxquels se prêtent très bien les sols calcaires en champagne crayeuse. Jérôme en a adopté les pratiques depuis son installation. Le non-labour simplifie la conduite de l’exploitation de 200 ha, qu’il gère seul.

Matériel en Cuma

La culture de chanvre n’exige pas de matériels agricoles particuliers hormis ceux indispensables pour réaliser les chantiers de récolte. C’est pourquoi Jérôme a acheté en Cuma une faucheuse double lame, un andaineur, une faneuse et des presses. Pour récolter le chanvre rouis, les tiges sont coupées en août à ras du sol en une fois, à deux hauteurs différentes, avec deux lamiers sur le tracteur.

Pour récolter la paille jaune et le chènevis (graines), la moisson du chanvre se fait en deux temps. Dans un premier temps, la moissonneuse-batteuse conventionnelle ou axiale, dotée d’un tablier de coupe, collecte les graines. Elle est pour cela positionnée le plus haut possible, juste au-dessous des inflorescences, pour qu’un minimum de matière passe dans la machine.

La moissonneuse est alors équipée de diviseurs devant les roues et de taules de protection pour éviter les enroulements. Puis une fois la moisson du chènevis réalisée, la paille peut être fauchée.

La période de la moisson du chanvre est toujours tendue. La moisson du chènevis et des pailles jaunes se déroule en septembre-octobre, au même moment que les parcelles de tournesol et juste avant les betteraves sucrières. Après leur fauchage, les parcelles sont propres et prêtes pour y semer du blé d’hiver.

Que le chanvre ait été cultivé pour produire de la paille et ses graines pour le rouis, la marge brute par hectare était en 2019 était de 1 300 €, soit 100 € de plus que celle d’un hectare de betteraves sucrières.

Après avoir pris en compte l’ensemble des coûts de mécanisation et de stockage, la marge semi-nette des cultures de chanvre (440 €/ha) était inférieure de 160 € à celle de la culture de betteraves sucrières, mais supérieure de 200 € à celle des parcelles de colza (240 €/ha). Ces résultats s’entendent avant droit au paiement unique (DPU) et sont étroitement liés à la conjoncture des marchés agricoles.

Mais au-delà de la question des marges, la culture de chanvre doit être appréciée pour ce qu’elle apporte dans la conduite globale de l’exploitation. C’est une culture dans l’air du temps, très adaptée aux conditions climatiques auboises. Mais si La Chanvrière veut étendre la capacité de production, elle devra chercher de nouveaux agriculteurs. Jérôme ne peut pas accroître sa superficie indéfiniment.