Pourquoi la loi Alimentation de 2018, issue des États généraux de l’alimentation, n’a pas bien fonctionné selon vous ?

On ne peut pas dire qu’elle n’a pas fonctionné. Ce n’est pas une mauvaise loi. La proposition que je porte n’a pas vocation à la remplacer. C’est pour cela qu’elle ne s’appelle d’ailleurs pas Egalim 2, comme cela est beaucoup écrit dans la presse. En revanche, c’est vrai, la loi Egalim votée il y a trois ans n’est pas allée assez loin sur la partie qui lie directement les distributeurs, les industriels et les agriculteurs. La décision qui avait été prise à l’époque était de privilégier le contrat de confiance à la contrainte législative. Les indicateurs des coûts de production ont été créés à cette occasion ainsi que le seuil de revente à perte. Il s’agissait d’une très belle boite à outils mais sans la méthode pour l’utiliser. C’est ce que je propose aujourd’hui.

Qu’est-ce que cette loi va changer concrètement pour les agriculteurs ?

Avec ma proposition de loi, les indicateurs des coûts de production vont devenir le socle des négociations commerciales. Les agriculteurs devront les utiliser pour commencer à négocier. Le texte prévoit la non-négociabilité des matières premières agricoles. L’industriel aura l’obligation d’utiliser l’indicateur de coût de production de l’agriculteur lors de la négociation. Cela va être obligatoire. Les industriels devront ensuite rendre transparents les prix payés aux agriculteurs, auprès des distributeurs. Ces derniers seront donc obligés de payer les hausses demandées par les agriculteurs, en fonction de l’évolution de leurs coûts de production. Les interprofessions vont calculer les coûts de production dans chaque filière.

Cette loi va-t-elle vraiment résoudre le problème de la rémunération des agriculteurs en France ?

Oui, j’en suis intimement persuadé. Grâce à ce texte, les agriculteurs ne seront plus les variables d’ajustement des négociations. La loi répond à une forte demande des agriculteurs, mais aussi des industriels et des distributeurs. Personne ou presque n’est sorti du bois en disant que c’est une mauvaise loi. La majorité des réactions sont positives, même chez les distributeurs qui sont satisfaits d’avoir la transparence des prix. La non-discrimination tarifaire va empêcher que les industriels envoient un tarif différent en fonction des enseignes. Cela va calmer la crainte des distributeurs que l’industriel ait vendu un article moins cher à l’autre. Les distributeurs pourront se différencier des uns des autres par des services proposés aux industriels (assortiment, mise en avant en magasins…) mais pas par des différences de prix.

Quel est le périmètre concerné par cette loi ? S’agit-il de tous les produits agricoles ?

Aujourd’hui, les seuls produits qui ne devraient pas entrer dans le texte de loi sont les produits agricoles de longs termes comme les spiritueux qui sont commercialisés longtemps après les récoltes, ainsi que les fruits et légumes frais où la volatilité est telle selon les semaines qu’il est difficile de parler de non-négociabilité. Lors de la loi Egalim, la filière betterave avait le choix de ne pas être concernée par le texte. C’est extrêmement dommageable quand on voit les difficultés auxquelles elle a fait face depuis trois ans. Aujourd’hui, j’appelle toute la filière, et en particulier les industriels du sucre, à s’inscrire dans cette loi pour protéger le revenu des betteraviers. Une fois la loi définitivement adoptée à la rentrée, le ministre décidera par décret des produits qui sont concernés ou non par le dispositif. J’appelle donc la filière betterave-sucre à se saisir dès aujourd’hui de l’opportunité qui lui est offerte de s’inscrire dans le texte. J’invite les industriels, et notamment les coopératives, à faire des simulations avec ou sans la loi. Ils verront les bénéfices que cela va procurer.