La PAC 2023 va-t-elle marquer un tournant pour l’agriculture européenne ? « Il y a vraiment un changement sur l’environnement », affirme Pascal Canfin, invité du débat organisé le 27 septembre, par le think tank AgriDées « Nouvelle PAC : véritable réforme ou simple transition ? ». Pour le député européen du groupe Verts, la future PAC est « une réforme adaptée à l’urgence climatique ». Selon lui, « avec le dispositif des écorégimes, c’est la première fois que l’on connecte des objectifs environnementaux avec un financement lié au premier pilier ». Même point de vue du côté de son collègue Jérémy Decerle. Le député européen de Renew estime qu’en matière d’environnement, « c’est une véritable transition avec les écorégimes et la conditionnalité. Il y a un nouvel élan qui repose sur des objectifs de résultats de manière incitative, que l’on ne connaissait pas ». Les deux élus réfutent en revanche le terme de « rupture », « car nous serions allés dans le mur avec 27 États membres », juge Pascal Canfin. « Il s’agit d’une véritable transition plutôt que d’une vraie réforme », selon Jérémy Decerle.

Des PSN révisables

Les plans stratégiques nationaux (PSN) doivent par ailleurs répondre aux législations européennes climatiques et environnementales. « Jusqu’à présent, la PAC ne devait contribuer qu’aux objectifs environnementaux. Là, les PSN doivent mis en cohérence. Sinon, ils ne seront pas validés par la Commission européenne », poursuit Pascal Canfin. Jean-Baptiste Millard, délégué général d’AgriDées, rappelle qu’il sera possible de réviser les PSN tous les ans et de les faire évoluer en fonction des politiques et des objectifs environnementaux. « La possibilité de faire un point d’étape, chaque année, sera l’occasion de comparer les disparités entre pays et de trouver une certaine homogénéité le plus rapidement possible », précise Jérémy Decerle.

Pour autant, les deux élus européens reconnaissent que le texte présente un certain nombre de lacunes ou de manquements sur d’autres sujets. Le député de Renew pointe un manque d’ambitions sur l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs tandis que Pascal Canfin reconnaît que « le sujet des clauses miroirs pour éviter les distorsions de concurrence doit être approfondi ». Ce sujet est un des principaux points de critiques des organisations syndicales agricoles. « La protection des agriculteurs, face aux importations de produits qui ne répondent pas aux mêmes critères que les nôtres, n’est pas assez aboutie. Cela concerne les distorsions de concurrence, hors Europe mais aussi intra Europe avec les différences de coûts de main-d’œuvre », regrette Frank Sander. Le président de la CGB juge que le futur dispositif présente également des manques sur l’aide à l’innovation, « notamment en terme de recherche sur de nouvelles variétés plus performantes et les start-up ».

Adéquation avec le Green Deal

Une autre question sur les ambitions environnementales de la PAC est son adéquation avec le Pacte Vert européen (Green deal). Ce programme doit notamment viser, d’ici à 2030, à réduire de 50 % l’utilisation de produits phytosanitaires, de 20 % l’utilisation des engrais et passer à 25 % de terres bio. « On ne peut pas faire porter par la PAC l’ensemble des objectifs du Green Deal. Il faut combiner une politique alimentaire, une politique sociale et une politique commerciale pour réussir ce projet, sinon cela ne fonctionnera pas », estime Cécile Détang-Dessendre, directrice scientifique adjointe de l’Inrae. Pour elle, sans cela, « le Green deal va entraîner une diminution des rendements, donc de la production agricole et par ricochet une augmentation des prix ». Des conséquences qui suscitent de vives critiques chez les agriculteurs. « On semble tous se résigner à baisser notre production et à ne pas reconnaître tous les efforts qui ont été faits. On est en pleine régression, sans aucune ambition », dénonce Franck Sander. « À l’époque de la jachère, nous avons su transformer la contrainte en opportunité avec les biocarburants. Là, on annonce 4 % de non-récolte sur des terres arables. Pourquoi ne pas imaginer des haies ou d’autres valorisations pour les pollinisateurs que l’on pourrait mettre en place par exemple ? », demande-t-il. La réponse ne semble pas encore totalement tranchée. Un autre défi concomitant est celui du stockage du carbone. Cela pourrait donner un complément de revenus aux agriculteurs. « Plus on va produire de biomasse à l’hectare, plus on pourra piéger du carbone. Personne n’ose le dire aujourd’hui », insiste Franck Sander. C’est désormais chose faite.