Autrefois tourné vers l’importation uniquement, le marché européen du sucre biologique est en pleine mutation. La production de betteraves bio est en pleine expansion. Selon une étude de l’Association de recherche technique betteravière (ARTB), les surfaces betteravières biologiques européennes ont représenté près de 14 000 ha en 2020, soit une hausse de 51 % par rapport à la précédente campagne. Huit pays européens sont désormais producteurs de betteraves biologiques (voir graphique), avec des prix payés aux producteurs situés entre 80 et 95 €/t. Les surfaces plantées sont essentiellement localisées en Allemagne, en Italie et en Autriche, ces 3 pays représentant près de 70 % du total des surfaces. La France n’arrive qu’en cinquième position avec 1 500 ha, derrière la Lituanie.

Cette expansion est cependant à relativiser. Les surfaces récoltées sont moindres en raison des pertes aux champs pouvant être significatives. Les rendements affichent une grande variabilité, situés entre 40 et 60 t de betteraves à 16°S. Ainsi, à la suite d’attaques de charançons, près de 71 % des surfaces de betteraves biologiques autrichiennes plantées en 2018-19 ont été perdues, 16 % en 2019-20 et 59 % en 2020-21, selon la Confédération internationale des betteraviers européens (CIBE). En France, les surfaces de betteraves bio ont été particulièrement touchées par la jaunisse en 2020. Cristal Union indique avoir récolté la même production de sucre bio en 2020 et 2019, avec pourtant deux fois plus de surfaces semées en 2020 par rapport à 2019.

Évolution de la réglementation européenne

Avec 275 000 tonnes estimées sur la campagne 2020/21, le marché européen du sucre bio a progressé de 3 % par rapport à la précédente campagne. Mais il reste encore essentiellement approvisionné par les importations. Elles ont représenté près 190 000 tonnes en 2020, en baisse de 10 % par rapport à 2019. L’évolution de la réglementation européenne devrait apporter un soutien aux producteurs qui ont fait le choix de l’agriculture biologique. Bruxelles a abrogé la règle dite d’équivalence qui permettait d’importer en UE des produits biologiques qui ne respectaient pas strictement les règles en vigueur au sein de l’Europe. Au 1er janvier 2022, les produits biologiques importés devront être certifiés conformes (et non pas seulement équivalents) aux règles qui régissent au sein de l’UE les produits biologiques. « Cette modification réglementaire pourrait impacter significativement les équilibres sur le marché européen du sucre biologique et renchérir les coûts de production de sucre biologique dans les pays tiers », souligne Alexis Patry, le directeur opérationnel de l’ARTB. Elle pourrait ainsi favoriser indirectement un développement de la production domestique européenne de sucre biologique.

Le désherbage, le coût prépondérant

L’évaluation des coûts de production de betteraves biologiques apparaît extrêmement complexe, selon l’ARTB. L’ensemble des modalités de conduite de la culture se ramène essentiellement à un seul et unique facteur, à savoir le temps passé à désherber les parcelles. « Plus la conduite de la culture (depuis le choix de la semence jusqu’au suivi de l’émergence des mauvaises herbes dans la parcelle) a été rigoureuse, plus le temps passé à désherber manuellement est limité et plus la rentabilité de la culture est améliorée », explique Alexis Patry. Le coût de production varie considérablement d’une exploitation à une autre, même si elles sont situées à proximité, en raison des conditions climatiques et de la pression sanitaire plus ou moins forte. L’ARTB a établi trois hypothèses de coûts (voir tableau) selon le nombre d’heures passées à désherber. L’association constate que si les bineuses ne peuvent pas passer à une date optimale en raison de précipitations, la prolifération des adventices entraîne un surcoût important du désherbage. « Le développement d’alternatives robotiques au désherbage manuel pourrait cependant jouer un rôle prépondérant dans le développement de la culture à moyen terme », estime Alexis Patry. Les initiatives en ce sens se multiplient. Mais elles représentent encore un coût non négligeable.

Un groupe de travail sur la betterave bio

L’ARTB vient de lancer un groupe de travail pour réunir des betteraviers afin de les aider dans la conduite de la culture bio. L’idée est de « réfléchir de manière cyclique et régulière à propos des problématiques liées aux itinéraires culturaux biologiques ». Le premier axe de travail concerne le désherbage. Le projet doit permettre d’étoffer la connaissance des pratiques de désherbage, de recenser les diverses méthodes de désherbage (manuel et / ou robotisé) qui sont utilisées en culture de betteraves certifiées biologiques et de quantifier le coût réel de ces différentes méthodes.

Pour en savoir plus, contactez Denis Chevallier : dchevallier@​artb-france.com