Cinquante participants, dix finalistes, trois lauréats. Antoine Helleboid était de ceux-là, le 10 septembre dernier, durant l’événement annuel des Jeunes Agriculteurs « les Terres de Jim » organisé en Provence. Il a reçu des mains du président de la République l’un des trois prix du concours Graines d’agriculteurs, placé cette année sous le signe de « la solidarité et l’entraide ».

Un thème taillé sur mesure pour ce céréalier-betteravier-maraîcher installé à Tilques, dans le Pas-de-Calais, qui a été récompensé d’une dotation de 3 000 € pour poursuivre ses bonnes œuvres. « Quand les jeunes agriculteurs des Hauts-de-France m’ont appelé pour me proposer de participer, j’ai hésité… Mais pas longtemps », confie le producteur dans sa barbe de trois jours et son tee-shirt bleu marine floqué « Fiers d’être coopérateurs ». « Je suis sur le devant de la scène médiatique depuis quelques années pour mon engagement comme ambassadeur de Solaal (Solidarité des producteurs Agricoles et des filières Agro-Alimentaires), une association qui facilite le don agricole. Elle s’est d’abord développée dans les Hauts-de-France, et est moins connue dans le reste de la France. C’était une bonne façon de la médiatiser ».

Affaire de famille

La solidarité est une affaire famille pour ce producteur très diversifié à la tête d’une cinquantaine d’hectares dont 6 en betteraves, qui cultive aussi des céréales, des pois de conserve, des pommes de terre, du lin textile et une dizaine d’hectares en légumes. « Le réflexe de donner me vient de ma marraine, bénévole aux Restos du Cœur, et un peu aussi de mes parents. J’ai été élevé dans l’anti-gaspillage. Eau, alimentation… On est plutôt généreux de nature », raconte celui qui, après avoir été surnommé par sa mère face aux caméras la « Mère Teresa de Tilques », avoue avec humour se faire « un peu chambrer par les copains ».

« Quand je fais des dons, je travaille en direct avec les Restos du Cœur », détaille Antoine Helleboid. « J’ai des bénévoles dans mon entourage, et à Saint-Omer nous avons un gros service de ramassage. Mais je comprends que quelqu’un qui n’a pas ces réseaux soit réticent à faire des dons. Moi j’ai la chance d’avoir eu le pied à l’étrier. Beaucoup de collègues m’appellent en direct pour me demander de les aider. Les agriculteurs sont généreux par nature, ils méconnaissent juste les mécanismes du don ».

Que donner ?

Que donner, au juste ? « On peut tout à fait faire un don de blé ou de betterave via sa coopérative ou son négoce, et on en défiscalise une partie ». La méthode est simple : « à la fin de l’année, je calcule le coût de production des denrées que j’ai données. Cela donne un montant de don, dont 60 % sont déduits de mes impôts. Cette année, c’est ma comptable qui s’est chargée des déclarations, mais l’association Solaal renseigne chaque donateur sur ce mécanisme, et l’oriente sur la façon de procéder ».

Pour sa part, Antoine Helleboid donne essentiellement sa production légumière. « Je travaille notamment avec Bonduelle pour mes courgettes, pour qui je dois respecter certains calibres. Tout ce qui dépasse est invendable, alors je donne. Mes choux sont parfois attaqués par des insectes, sur un côté. Je pourrais les broyer, mais je les coupe et je les mets de côté. Certains bennent le tas de pommes de terre qui leur reste au 15 juillet, ou mettent dans le fumier. Moi, je donne. L’an dernier, j’avais donné l’équivalent de 8 tonnes. Cette année je vais être à beaucoup plus. Les courgettes ont bien produit, elles ont fait énormément de végétation et on en a oublié un peu plus. J’ai aussi eu une variété de choux rouges qui ont pas mal poussé ».

« Communiquer prend du temps »

La Voix du Nord, France 3, la radio RDL, des journaux agricoles… Les médias locaux autant que nationaux ont fait écho à l’engagement d’Antoine Helleboid. Le temps est pourtant une denrée rare sur l’exploitation du producteur, qui préfère ses allées de légumes aux heures de tracteur, et qui n’est pas en rade de projets. Après l’ouverture cette année d’un distributeur automatique de produits fermiers sous la devise « authentique, local et de saison C, il réfléchit à une production d’endives de pleine terre, et vise le label HVE 3. « Quand j’ai repris la ferme, mon père était réticent quant à mon modèle », raconte celui qui s’est décidé à embaucher un apprenti pour faire tourner distributeur. « Mais ça a changé. Et aujourd’hui, il s’inquiète que je travaille trop ! »

« J’ai vécu une année où j’ai beaucoup, beaucoup travaillé », résume ce père de deux jeunes enfants. « J’ai énormément de production ; cet été j’ai eu un gros rendement en courgettes, et les aléas climatiques ont fait que toutes mes activités se sont concentrées dans le temps… Puis il y a eu le concours, à un moment où je voulais me mettre un peu en retrait des médias, car communiquer prend du temps. Mais je ne pouvais pas refuser une médiatisation nationale à Solaal. Alors je me suis dit : après ça, j’arrête ». Le temps semble en effet venu de faire essaimer la générosité. À qui le tour ?…

Solaal, facilitateur de dons agricoles

L’association Solaal (Solidarité des producteurs Agricoles et des filières Agro-Alimentaires) est un service gratuit qui lutte contre le gaspillage alimentaire et permet d’offrir des produits frais aux plus démunis. C’est la seule association nationale qui facilite les dons entre agriculteurs et associations d’aide alimentaire : Restos du Cœur, Croix-Rouge, Association Nationale de Développement des Epiceries Solidaires (Andes)… Après avoir été contactée par l’agriculteur donataire, elle analyse son offre, propose le don aux associations d’aide alimentaire habilitées au niveau national, organise le retrait et le transport et assure l’après-don : l’envoi de l’attestation de don et le calcul de la réduction d’impôt.

Plus d’infos : www.solaal.org