Dernière ligne droite pour la réforme de la PAC qui entrera en vigueur le 1er janvier 2023. Le nouveau dispositif doit être définitivement adopté en novembre par le Parlement européen, tandis que les plans stratégiques nationaux (PSN) doivent être remis à la Commission européenne d’ici au 1er janvier 2022. Beaucoup de questions restent encore en suspens. C’est ce qui est ressorti d’un débat sur la PAC organisé le 12 octobre par l’Association française des journalistes de l’agriculture et de l’alimentation (AFJA) et l’Association des journalistes européens (AJE). L’articulation du Pacte vert avec la future PAC et son impact sur la production agricole européenne suscitent toujours le scepticisme. « On se retrouve aujourd’hui dans une pyramide inversée, avec des moyens donnés en 2018 puis des objectifs fixés en 2019 avec le Pacte vert », a regretté Eric Andrieu, député européen socialiste. Pour Pierre Bascou, directeur durabilité et aide au revenu à la direction de l’agriculture de la Commission européenne, ce décalage ne pose pas de problème. « La PAC va être l’instrument qui permettra aux agriculteurs de s’inscrire dans cette stratégie de croissance durable », a-t-il insisté.

Plusieurs études, notamment une de la Commission européenne, ont montré que le Pacte vert pourrait contribuer à une diminution de la production agricole européenne (lire le BF n°1132 page 6) et à une baisse de revenus des agriculteurs. « C’est inquiétant, a reconnu Thierry Fellmann, directeur économie, agriculture et territoires des Chambres d’agriculture de France. La Commission doit faire en sorte de concilier nos ambitions environnementales face aux règles du commerce international. Dans un contexte d’échanges ouverts, le processus de réforme de la PAC doit s’inscrire dans des décisions soutenables pour les agriculteurs ».

Pierre Bascou s’est montré rassurant. « Le centre commun d’études de la Commission n’a travaillé que sur quatre éléments de la stratégie Farm to Fork issue du Pacte vert : développement du bio, diminution des pesticides, réduction de l’utilisation des engrais, réinstallation des infrastructures écologiques », a-t-il précisé. « On s’aperçoit que ces quatre éléments donnent des impacts très positifs en matière climatique et environnementale, tout en permettant à l’Union européenne de garantir sa sécurité alimentaire et de rester un exportateur net dans la plupart des produits agricoles », a-t-il insisté. Mais pour éviter une hausse des importations, Eric Andrieu estime qu’il est « important d’avoir des normes exigeantes vis-à-vis des pays tiers pour répondre à nos propres standards. C’est ce que nous faisons sur le bio en passant au 1er janvier 2022 d’une règle d’équivalence à une règle de conformité. Il faut travailler sur des clauses miroirs pour les autres produits agricoles ».

Retards anticipés pour certains PSN

Autre point d’inquiétude, la mise en place des PSN dans chaque état membre. « La vraie révolution de cette PAC est le transfert d’une partie de la réforme aux États avec les PSN. On ne sait pas si cela va répondre aux enjeux écologiques. Cela va dépendre de ce que mettra chaque État membre. J’espère que la Commission sera vigilante », a réagi Eric Andrieu. « J’entends les craintes sur le risque d’une PAC qui se renationalise. Mais depuis 2018, on a vu la capacité de la Commission à donner une direction aux États membres à travers les plans nationaux de relance et résilience (PNRR) », a répondu Jérôme Brouillet, directeur adjoint du Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE). La France fait figure de bonne élève aujourd’hui, car étant un des pays les plus avancés dans l’élaboration de son PSN. La crainte vient davantage de plusieurs états membres affichant un retard important. « Certains parlent même de remettre leur PSN en avril. Il y aura un souci pour la Commission si l’on veut que l’outil fonctionne et que puissent être comparés sereinement les PSN », a prévenu Jérôme Brouillet.

Pour Thierry Fellmann, un des principaux enjeux de ce PSN sera l’accompagnement des agriculteurs pour répondre aux objectifs environnementaux. « Changer un système agricole de façon significative est un processus long qui nécessite trois à cinq ans. J’espère que l’on sera plus ambitieux dans la capacité à accompagner les transitions dans la prochaine réforme de la PAC. Il faut commencer à y travailler dès aujourd’hui, a-t-il insisté, si l’on ne veut pas être en retard de deux ans comme pour la PAC de 2023 ».

Un calendrier serré

Juin : accord politique sur la future PAC

Fin novembre : vote du Parlement européen

1er janvier 2022 : date butoir pour la remise des PSN à la Commission européenne

2022 : évaluation des PSN par la Commission européenne, puis approbation.

1er janvier 2023 : entrée en vigueur de la nouvelle PAC