Toute la journée du 18 septembre, les visiteurs se sont succédé par groupe pour visiter le méthaniseur de Plainval dans l’Oise. Des gens de la commune, la maire, mais aussi quelques agriculteurs et des personnes de divers horizons. « L’AAMF, association des méthaniseurs de France, a proposé d’ouvrir nos portes. L’objectif est d’expliquer au grand public le fonctionnement de la méthanisation, détaille François-Xavier Létang. Il s’agit d’en améliorer l’acceptabilité sociale ». « Les gens ont peur. Cela les rassure de voir et de comprendre », développe la maire du village, Monique Morlighem, d’autant plus que les autorisations sont données au niveau préfectoral et échappent aux municipalités. Les riverains s’interrogent sur la sécurité et la santé, le bruit, la circulation et la dangerosité du gaz. « Il faut dire la vérité, bien communiquer avec les élus en amont », insiste François-Xavier Létang.

Un projet de plusieurs agriculteurs

Et il connaît son sujet. Le méthaniseur de Plainval, mis en service en 2020, est le cinquième de Létang Agriculture et Énergie. Créé avec son frère Thibaut, à partir de l’exploitation familiale de Seine-et-Marne, le groupe (30 salariés aujourd’hui) s’est diversifié en pommes de terre et, par la suite, dans la méthanisation. Il dispose de plusieurs fermes en Picardie. Ces pionniers se lancent dès 2014 dans le biogaz avec injection directe dans le réseau. Leur méthaniseur de Sourdon (77) est alors le cinquième de France. Les suivants ont été créés en collaboration avec un ou deux agriculteurs locaux.

La SAS Plainval biométhane (près de 5 M€ d’investissement) regroupe les deux frères Létang et deux betteraviers voisins. Soit 750 ha de superficie agricole utilisée (SAU) au total qui servent aussi pour le plan d’épandage. « Pour réussir son projet, il faut maîtriser l’approvisionnement, la technologie, notamment l’épuration du biogaz et son plan d’épandage », résume le chef d’entreprise.

13 tonnes de pulpes surpressées

Le méthaniseur avale 11 000 t de matière brute par an, soit 30 tonnes par jour. La moitié provient de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive). L’objectif est de réaliser 3 cultures en 2 ans et de récolter un ensilage (maïs, sorgho, céréales immatures de type seigle ou escourgeon) sur près de 200 à 300 ha. Des achats de végétaux sur pied les complètent. 5 500 t proviennent de matières issues de l’agroalimentaire. Les pulpes surpressées (27 % MS) représentent un tiers des apports de matières brutes totales quotidiennes. La sucrerie de Chevrières livre l’intégralité du tonnage en une semaine pendant la campagne. Les issues de céréales et les écarts de triage (oignon, pommes de terre…) complètent la ration.

« La méthanisation est comme une paire de ciseaux formée de bactéries qui coupent les chaînes de carbone », explique l’agriculteur. Actuellement repris par des épandeurs, le digestat devrait bientôt transiter par des tubes jusqu’aux parcelles. « Nous diminuons de moitié l’achat d’engrais extérieur grâce aux digestats, se félicite l’entrepreneur, et nous créons ainsi une véritable économie circulaire ».

Le biogaz produit (150 Nm3/h) permet de fournir l’équivalent de la consommation de 2 500 foyers par an. Il est purifié grâce à une baisse de température et ensuite odorisé par GRDF. Mis dans le réseau, il est distribué à Saint-Just-en-Chaussée à 5 km du méthaniseur. « Nous avons payé 40 % des 600 000 € de coût de raccordement », dévoile le chef d’entreprise.

La production de biogaz est très régulière, contrairement à la consommation du gaz. En août, quand les usines locales ferment, les agriculteurs doivent brûler le gaz excédentaire à la torchère. En fin de compte, environ 1 % du gaz est perdu. Afin de limiter ces pertes, ils participent à une action innovante avec Azola. Le gaz transformé en liquide prend 600 fois moins de place que sous forme gazeuse. Un projet vise son utilisation comme carburant … Pour le lanceur de fusée Ariane. L’autre piste est le bioGNV pour les tracteurs agricoles, histoire de boucler un peu plus l’économie circulaire.