Les premières variétés Conviso Smart ont été commercialisées en 2018 dans plusieurs pays d’Europe du Nord et de l’Est. Depuis, elles ont gagné des parts de marché, et désormais, vingt pays cultivent les variétés rendues tolérantes à des herbicides (VrTH) cette année.

« Les betteraves VrTH représentent plus de 50 % du marché en Lituanie et en République tchèque, et 30 % en Espagne », annonce Bruno Dequiedt, directeur général de SESVanderHave. En revanche, les deux plus grands pays betteraviers que sont la France et l’Allemagne ne les utilisent pas. Les variétés sont inscrites en Allemagne, mais pas en France. Et inversement, le Conviso est autorisé en France, mais pas en Allemagne.

Le troisième plus grand pays, la Pologne, ne les utilise qu’à hauteur de 7 % des surfaces. D’autres, comme les Pays-Bas, ont homologué la technologie, mais les industriels n’en veulent pas.

En France, les betteraves VrTH sont encore en phase de test. Ces dernières années, plusieurs semenciers ont déposé des variétés dans les essais officiels en première année CTPS* mais le système français met la barre très haut pour les inscrire au catalogue officiel, contrairement à d’autres pays. Les variétés testées ont toutes échoué pour cause de moindres performances comparées aux témoins, d’autant qu’elles sont traitées avec un programme de désherbage classique, et ne bénéficient donc pas des avantages d’un meilleur contrôle des adventices.

Sélection classique

Cette technologie mise au point par Bayer et KWS repose sur des variétés de betteraves – issues de la sélection classique – tolérantes aux herbicides de la classe des inhibiteurs de l’acétolactate synthase (ALS). « C’est un marché potentiel important avec un transfert de la valeur des produits phytosanitaires vers la génétique », estime Patrick Mariotte, directeur général de KWS France.

L’intérêt est de réduire le nombre de traitements (deux applications à 0,5 l/ha) et de faciliter le travail des agriculteurs, car ces herbicides permettent d’obtenir un contrôle à très large spectre. « Cet herbicide a un double effet foliaire et racinaire, explique Dirk Hyndrikx, responsable du développement des marchés pour SESVanderHave. Les betteraviers des pays de l’Est ont très vite adopté les variétés VrTH, car ils sont techniquement moins pointus qu’en France sur le désherbage des betteraves ».

Accord interprofessionnel

L’accord interprofessionnel signé cet été donne la possibilité de tester les variétés inscrites au catalogue européen. L’Institut technique de la betterave (ITB) et les services agronomiques des sucreries vont donc expérimenter des variétés résistantes au Conviso inscrites dans d’autres pays européens. Dans l’optique de préserver la durabilité de ce système et d’éviter l’émergence d’adventices résistantes, la filière française a par exemple décidé d’associer le Conviso à un herbicide partenaire.

Le propriétaire du gène, l’allemand KWS, fera tester ses variétés, tout comme SESVanderHave, Florimond Desprez, Betaseed et Maribo qui ont acheté la licence et ont intégré le gène de résistance dans leurs hybrides.

Deleplanque est le seul semencier à ne pas travailler sur la betterave VrTH. Un choix assumé, puisqu’il n’a pas acheté le brevet à KWS et Bayer. « Certes, cela simplifie le désherbage, mais cette technologie a un coût pour un résultat similaire, déclare Laurent Boisroux, directeur agronomie de la société Deleplanque. Je pense que c’est une solution qui n’est pas durable sur le long terme. Les sulfonylurées risquent d’être contournées. Deleplanque privilégie davantage le désherbage mécanique sur le rang avec la robotique ».

Tous les autres semenciers croient en cette technique et attendent que le marché se décide à l’utiliser… mais avec précaution.

* Comité Technique Permanent de la Sélection

Tensions autour des VrTH

La réputation des variétés rendues tolérantes aux herbicides n’est pas bonne en France. Les dernières péripéties autour de ces semences le prouvent : le 10 novembre dernier, 80 individus ont pénétré illégalement dans un site du groupe semencier RAGT en Aveyron pour éventrer des sacs contenant plusieurs tonnes de semences de tournesol VrTH.

Deux jours plus tôt, le Conseil d’État annonçait, le 8 novembre, que l’État sera astreint à verser 100 000 euros par semestre de retard s’il n’adopte pas, dans les trois mois, un plan d’action d’évaluation des risques liés aux variétés de plantes VrTH. Une astreinte est également prévue en cas de non-parution sous trois mois d’un texte encadrant leurs conditions de cultures. À ce titre, le gouvernement prépare une ordonnance pour réglementer l’utilisation de ce type de variétés… De quoi sécuriser un peu mieux l’utilisation de cette nouvelle technologie !