Les vivaces se reproduisent par leurs graines et par leurs racines. Le chardon, par exemple, se reproduit à 95 % par voie racinaire. Cette reproduction asexuée se réalise par leur fragmentation, accentuée par les outils du travail du sol. En revanche, la reproduction par les graines (5 % au total) joue un rôle d’adaptation génétique, par la reproduction sexuée, que l’on peut limiter dans les champs.

Sus aux réserves racinaires

Pour gérer les vivaces, il faut les empêcher de reconstituer leurs réserves racinaires. Plus elles auront constitué de réserves en automne, plus elles seront concurrentielles au printemps suivant. La vigueur et la présence des chardons dépendent essentiellement des réserves racinaires. Les chardons puisent deux fois dans leur stock. D’abord à la fin de l’hiver, pour produire de nouvelles pousses, et ce jusqu’au stade où elles produisent assez de photosynthèse pour se développer sans utiliser leurs réserves (point de compensation). Ensuite à la fin du printemps, pour faire monter les tiges et laisser apparaître les bourgeons floraux. Au stade “bourgeons floraux“ (de mai à juillet), les réserves sont à leur minimum. L’été, les vivaces utilisent la photosynthèse pour les reconstituer jusqu’à l’entrée en dormance, à la période d’automne. Elles arrêtent alors la production de nouvelles pousses et sont au maximum de leur accumulation racinaire.

L’effet sol-climat

Le chardon des champs est avantagé par un printemps humide (comme cette année) et des sols riches et profonds. Il résiste au tassement. Le laiteron des champs nécessite un fort besoin de lumière. Il apprécie les sols riches en potassium. Les apports de vinasse l’aident parfois à se développer. Le rumex crépu préfère au contraire les sols secs, tandis que le rumex à feuilles obtuses privilégie les sols frais, voire hydromorphes.

Des graines à contrôler

Le rumex n’étend pas ses racines par lui-même. Mais si elles sont fragmentées, elles font autant de pieds que de fragments racinaires. Son mode de reproduction reste la germination des graines, avec un taux excellent, de 90 à 95 %. Chaque pied produit entre 40 000 et 60 000 graines. De plus, l’ingestion des graines par les ruminants n’affaiblit pas beaucoup leur faculté germinative. Un apport de fumier contaminé peut réensemencer des champs. Une montée de température, entre 52 et 55 °C (par compostage ou par méthanisation pendant 15 jours), réduit à néant leur capacité de germination. Enfin, la fauche des hampes florales n’arrête pas la germination des graines.

Combiner plusieurs moyens de lutte

L’interculture est le moment privilégié pour lutter contre les chardons. Les bourgeons floraux sont détruits lors de la moisson et les pieds par le déchaumage. Le chardon est alors obligé de puiser dans ses réserves pour ses nouvelles pousses. Le détruire au point de compensation (6-8 feuilles) limite les réserves avant hiver. Ce point apparaît au stade 4-6 feuilles pour le laiteron et 3-4 feuilles pour le rumex. Ensuite, il faut agir avant le début de la dormance (novembre pour le chardon et le rumex). La fenêtre pour le laiteron est réduite, vu son entrée en dormance fin août-début septembre. Pour le rumex, il faut intervenir au printemps ou à l’automne, lors de la germination.

Les racines du chardon se trouvent généralement à 0-30 cm, voire 0-60 cm (certaines jusqu’à 6 m de profondeur). Des destructions répétées de pousses l’obligeront à puiser dans ses réserves.

Le laiteron des champs a des racines plus superficielles : 75 % entre 0-15 et 0-25 cm, au maximum 2 m. Il faut renouveler les destructions des pousses et des racines en été.

Pour le rumex, la partie générant de nouvelles pousses se situe au collet. La fin du collet est à 4-5 cm pour le rumex crépu et à 7-8 cm pour le rumex à feuilles obtuses. Un scalpage visera à décoller le collet du reste de la racine pour l’extraire de la parcelle ou le laisser en surface par temps chaud.

Jouer sur l’assolement et biner

Les agriculteurs biologiques utilisent la luzerne ou la prairie temporaire fauchée ou pâturée régulièrement pour gérer chardons et laiterons. Ces cultures concurrencent l’exploration racinaire. Mais les vivaces réapparaissent 3 ans après.

Autre facteur de réussite : multiplier les déchaumages d’été, suivis par une culture étouffante comme l’escourgeon. Celui-ci se récolte très tôt au moment de la floraison du chardon. En revanche, les couverts d’interculture ne permettent pas la lutte contre les vivaces. Le binage de plantes sarclées au printemps, avec 50 % de la surface concernée, sera d’autant plus efficace qu’il sera tardif.

Le laiteron favorisé dans les cultures laissant passer la lumière en mai-juin se développe peu dans les céréales d’hiver. Sa présence s’accroît dans les betteraves sucrières et les pommes de terre, même en conventionnel. Il est particulièrement développé en Finlande, en Suède et au Danemark, pays qui cultivent beaucoup de céréales de printemps.

Les graines de rumex peuvent persister de 50 à 80 ans dans le sol. Le labour n’en détruit que 40 % par an. Il peut faire germer des graines enfouies. Il peut aussi enfouir le collet à 20 cm de profondeur, empêchant son scalpage ou arrachage manuel. L’intervention en été, avec un néodéchaumeur à ailettes, décollera les collets du sol pour les laisser se dessécher en surface. Le cover crop sera évité. Certaines cultures « nettoient » le rumex comme le méteil ensilé qui évite les hampes florales, les légumes de plein champ sarclés et le sarrasin. Par contre, prairies et luzerne le favorisent.