Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation s’est rendu dans l’Aube à l’invitation du député Grégory Besson-Moreau, rapporteur de la loi Egalim 2. Après avoir visité une exploitation agricole à Lassicourt, puis un magasin de producteurs à Troyes, Julien Denormandie a participé à une table ronde sur le thème de « la fourche à la fourchette » . À ses côtés, un représentant de l’industrie agroalimentaire en la personne d’Emmanuel Besnier, président du groupe Lactalis, un représentant de la grande distribution, incarnée par Dominique Schelcher, P-DG de Système U, ainsi que la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert.

Impacter les consommateurs

Parmi les multiples problématiques abordées, on retiendra celle de la répartition de la valeur entre les différents maillons de la chaîne. Une valeur en partie « détruite par la déflation imposée par la grande distribution », selon Christiane Lambert. Or, relève Julien Denormandie, « tous les maillons de la chaîne sont interdépendants, et si l’un d’entre eux flanche, toute la filière flanche ». Le P-DG de Système U relativise toutefois le rôle des grandes enseignes, en rappelant que « la grande distribution est à la source de 40 % des revenus des agriculteurs, les 60 % restants provenant de la restauration et de l’export ». La coopérative de commerçants tient cependant à sauvegarder les intérêts des agriculteurs « en multipliant les contrats tripartites avec les coopératives de production et les transformateurs ». Contrats d’une durée allant parfois jusqu’à cinq années afin de donner « plus de visibilité » aux exploitants. Pour Dominique Schelcher, la balle est aussi dans le camp du consommateur qui, en acceptant de payer une baguette au rabais, n’est pas en accord avec le citoyen qui sommeille en lui. Grégory Besson-Moreau ne doute pas quant à lui que « les coûts de la matière première doivent être intégrés dans les prix payés par les industriels, la grande distribution et, en fin de compte, les consommateurs ».

Agrandir les élevages laitiers ?

Le prix de la matière première représente « plus de 70 % du prix de revient de l’industrie laitière », rappelle le président du groupe Lactalis. Celui-ci estime que « ces coûts doivent rester raisonnables » pour éviter d’exclure certains consommateurs et certains marchés et, partant, de perdre des volumes importants. « Dans une économie de marché basée sur l’offre et la demande », et de surcroît mondialisée, « il est impératif pour la filière de rester compétitive ». Un objectif qui passe, d’après Emmanuel Besnier, par « l’agrandissement de la taille des élevages laitiers », seul à même de permettre aux exploitations de rester rentables et de supporter de lourds investissements. Le ministre de l’Agriculture considère pour sa part que « en ce qui concerne la compétitivité coûts, on sera toujours moins-disant que nos concurrents » et qu’il faut jouer aussi sur la « compétitivité hors coûts », en particulier la qualité. Une haute qualité étant à ses yeux incompatible avec des coûts bas. Julien Denormandie reste en tout cas persuadé que « le compte de résultat des agriculteurs est la mère des batailles ».

Tolérance zéro sur l’application de la loi

Au cours de sa visite dans l’Aube, le ministre de l’Agriculture a affirmé que « le gouvernement serait intraitable avec ceux qui ne respectent pas la loi Egalim 2 », qui est une loi « de régulation », là où Egalim 1 reposait sur la confiance entre partenaires. Dans son viseur, les enseignes de la grande distribution et les industriels « qui ne jouent pas la carte du collectif » en essayant notamment de contourner la loi via des centrales d’achat à l’international. Julien Denormandie révèle que « plus de deux cents enquêtes ont été lancées depuis le 1er janvier » contre ces « fossoyeurs de l’agriculture française » (dixit la présidente de la FNSEA) qui se livrent à une guerre des prix néfaste pour le revenu des agriculteurs. Le ministre précise que « l’on va multiplier par quatre le nombre d’enquêtes par rapport à l’année dernière, qui était déjà une année record », et que des sanctions seront prises. Face au risque de « délocalisation » de l’agriculture française, il estime qu’il en va de la « souveraineté alimentaire de notre pays ».