« Coopérative agricole cherche planteurs pour accompagner sa croissance » : cette petite annonce, fictive, pourrait avoir été rédigée par La Chanvrière. L’usine de première transformation du chanvre, qui fêtera ses 50 ans en 2023, voit l’ensemble de ses marchés exploser en même temps : textile, bâtiment, alimentation, etc. Benoît Savourat, son président, a de quoi… Savourer cette situation : « c’est phénoménal. Je n’ai jamais vu ça ! » La coopérative défibre d’ores et déjà 70 000 tonnes de chanvre par an, quand l’objectif était de 62 000 t en 2024. Opérationnelle à 100 % depuis avril 2021 et le lancement de sa seconde ligne de production, l’usine mise en service en février 2020 à Saint-Lyé, dans l’Aube, pourrait arriver à saturation dans quatre ans seulement. Elle aura alors atteint sa capacité maximale de traitement, fixée à 100 000 t, soit le double de celle de l’ancienne usine située à Bar-sur-Aube, dont la production a été arrêtée définitivement en octobre 2020. La question de l’extension de l’usine, voire de la construction d’une nouvelle unité, se posera alors sérieusement.

Et ce d’autant plus qu’un pôle européen du chanvre, réunissant industriels de la seconde transformation, laboratoires de recherche et centres de formation notamment, devrait voir le jour à brève échéance sur un parc d’activité dédié autour du site de La Chanvrière. Le département de l’Aube, qui assure environ un quart de la production européenne, ambitionne de devenir ni plus ni moins que la Silicon Valley du chanvre.

Maîtriser le rouissage

En attendant, pour faire face à la hausse de la demande portée par l’appétit des industriels et des consommateurs pour les produits biosourcés, la coopérative cherche à augmenter à la fois sa surface cultivée et le nombre de producteurs. « Ils seront 630 cette année, mais il en faudrait plus de 700 l’an prochain », indique Benoît Savourat. À titre de comparaison, on comptait il y a peu 515 agriculteurs adhérents. La surface cultivée croît au même rythme : 11 000 ha en 2022, au lieu de 10 160 lors de la dernière campagne. La Chanvrière gagne petit à petit du terrain, puisque le département du Loiret vient de rejoindre le club formé par l’Aube, la Marne, les Ardennes, la Haute-Marne, l’Yonne, la Côte-d’Or, l’Aisne et la Seine-et-Marne. L’aire de production s’étend dans un rayon de 120 km autour de l’usine, même si elle reste concentrée dans le triangle Châlons-en-Champagne/Troyes/Nogent-sur-Seine.

Sans exclure aucun débouché, la coopérative auboise se positionne clairement sur le créneau du textile et de l’habillement. Pour ce faire, elle est en train de se perfectionner sur trois voies de filature : la filature de type coton (pour le jean), la filature de type laine (pour l’ameublement et le linge de maison), et la filature de type lin (pour l’habillement). Tout dépend de la longueur et de la finesse de la fibre. Cette exigence de technicité doit imprégner la filière en amont. « Le textile nécessite une paille de grande qualité, et en particulier une maîtrise de la technique du rouissage, explique Benoît Savourat. On incite les producteurs à faire de la paille rouie, qu’on leur achète plus cher pour compenser la perte de la graine. On est aussi en train d’adapter le matériel de récolte ».