À Wittelsheim, la société Gaec Rohrbach, qui compte 5 associés, s’est lancé le défi de cultiver 10 hectares de betteraves. La 3ème génération d’agriculteurs espère en récolter 1 100 tonnes pour cette première année de production.

Sur l’exploitation familiale de 480 ha, le maïs représente 75 % de l’assolement. Gaec opère des rotations annuelles pour optimiser l’irrigation de ses sols. Choisir de cultiver de la betterave n’était pas une évidence. « En faisant pousser de la betterave, avec les prix d’un marché en progression, on peut espérer avoir une source de revenus intéressante à long terme, et cela nous permet de récupérer de la pulpe pour nourrir nos 600 vaches Holstein dont 260 produisent chaque année entre 8 000 et 9 000 litres de lait ; elles bénéficient ainsi d’une alimentation plus variée avec du sucre soluble et des fibres », précise Sylvain Rohrbach, l’un des 3 frères associés sur l’exploitation.

Campagne de séduction de Cristal Union

Historiquement, la Gaec Rohrbach a toujours acheté des pulpes, environ 500 à 600 tonnes chaque année, et depuis 6 ans, l’entreprise ne pouvait plus en avoir sauf si elle cultivait de la betterave. Faute de production suffisante, la sucrerie d’Erstein, qui cherche encore 1 500 ha de culture pour pérenniser son activité dans le Bas-Rhin, ne pouvait pas en fournir pour tout le monde. Conséquence : la Gaec a dû augmenter de 20 ha ses surfaces d’herbes et de blé pour combler ce manque et nourrir ses vaches.

Après l’arrêt des quotas en 2017, le groupe Cristal Union demandait aux agriculteurs de prendre des parts sociales, alors que la Gaec tenait à garder son indépendance. La sucrerie est revenue les voir il y a 2 ans : « cette fois, elle nous proposait de rejoindre la coopérative sans prendre des parts sociales ; on est juste payés 1,5 € de moins la tonne qu’un coopérateur. Puis, on a fait nos calculs de notre côté en évaluant les bénéfices sur notre exploitation totale et, finalement, on a trouvé plus rentable d’en produire », complète Sylvain Rohrbach.

A chaque étape, la Gaec sera encadrée par le responsable du suivi des grandes cultures qui « passe régulièrement voir les sols quand il fait son tour des parcelles betteravières ; un suivi technique qui est plutôt rassurant », confie Sylvain. Un entrepreneur prendra ensuite en charge la récolte et les betteraves seront chargées jusqu’à la sucrerie d’Erstein. La Gaec rachètera les pulpes à un prix plus compétitif.

Préparation du sol pour les semis

En plaine d’Alsace, on est sur un climat continental, « les semis ont été faits fin mars par Mathias Bollenbach, un agriculteur voisin avec qui nous partageons les travaux sur nos parcelles de céréales ou pour les vaches. On mutualise nos équipements. Cet agriculteur a aussi 5 ha de betteraves », indique Sylvain.

Dans un sol sablo-limoneux déjà marqué par le manque d’eau en ce début de printemps, on peut voir dans les sillons les petites billes bleues qui ne tarderont pas à donner les premières pousses avec l’arrivée de la pluie juste après les semis. La Gaec bénéficie d’un grand parcellaire regroupé, ce qui permet de mieux irriguer les champs : « c’est un atout majeur de pouvoir irriguer correctement nos surfaces avec des pivots qui peuvent couvrir jusqu’à 80 ha ; ce sont 400 ha au total qui sont irrigués » souligne Sylvain. Par comparaison, dans le Bas-Rhin, les surfaces agricoles le sont moins.

Suivi phytosanitaire sur mesure

Pour cultiver de la betterave, il est important de bien gérer les traitements. « Aujourd’hui, dans le Haut-Rhin, 140 q de maïs sont garantis avec 2 désherbages et 1 insecticide grâce à un système d’irrigation régulier ; si on cultive de la betterave avec 3 herbicides, 3 fongicides pour faire moins 1 000 euros de marge brut, les producteurs ne seront pas convaincus pour en planter », précise Sylvain. Pour accompagner le rendement de la betterave, le technicien de la sucrerie d’Erstein suivra la levée des cultures. Pour cette première année d’expérimentation, la société Gaec a choisi de privilégier l’insecticide traditionnel (Force 1,5G) au lieu des néonicotinoïdes, pour protéger les semences et surtout pour maintenir une rotation des cultures (maïs grains notamment pour l’année prochaine).

Le technicien de la sucrerie préconise également de bien rincer les pulvérisateurs pour éviter les résidus qui pourraient détruire la production. Une contrainte à laquelle il faudra adapter sa façon de travailler. Malgré tout, Sylvain Rorhbach est confiant pour sa première année de production.

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