Ce sont des passionnés bien dans leurs baskets qui restent fidèles à la betterave. Antoine Helleboid, Hervé De Smedt et Bruno Cardot ont été élus Betteraviers de l’année 2022, le 8 avril dernier, par les 544 internautes et un jury de 11 professionnels. Dix-neuf candidats étaient en lice, avec des profils très variés, pour ce concours organisé par Le Betteravier français, avec le soutien des sociétés Deleplanque, Sencrop et Holmer.

Les trois agriculteurs ont été récompensés pour leurs stratégies innovantes et audacieuses, tout en préservant l’environnement. Des stratégies qui avaient été présentées au travers de portraits d’agriculteurs et d’agricultrices publiés en 2021.

Antoine Helleboid, céréalier-betteravier-maraîcher installé à Tilques (Pas-de-Calais), a reçu le grand prix des lecteurs remis par Maxime Bouton, directeur de l’activité betterave de Deleplanque. Hervé De Smedt, agriculteur à Autrêches (Oise), a reçu le prix du jury remis par Martin Ducroquet, cofondateur de Sencrop.

Enfin, le prix collectif du jury et des lecteurs a été remis à Bruno Cardot par Lionel Vayron, directeur général d’Holmer. Bruno Cardot, qui a une notoriété certaine sur les réseaux sociaux, est installé à Moÿ-de-l’Aisne (Aisne). Il est une figure agricole des réseaux sociaux où il parle de son métier, avec humour et dérision.

S’adapter au changement climatique

La stratégie de Bruno Cardot est de continuer à nourrir l’équivalent de 5 600 personnes avec son exploitation en gardant les cultures exportatrices, comme les céréales. « Mais je me suis également lancé sur un marché ultra-local avec la vigne. La première cuvée de Chardonnay sera pour 2024 », annonce-t-il. « J’apprends de nouveaux métiers : viticulteur, vigneron, œnologue et commercial pour capter de la valeur ajoutée de A à Z ». En se lançant dans la production de vin, de soja, et en installant une ferme solaire, Bruno Cardot explique qu’il « s’adapte au changement climatique ».

Innover pour la santé du sol et des plantes

Hervé De Smedt « soigne les plantes par les plantes » et estime que « ce sont les plantes qui dirigent la fertilité des sols ». Il suit des formations et réalise des expérimentations. Depuis deux ans, Hervé De Smedt pulvérise des extraits fermentés d’ortie, de consoude, de fougère et de bardane sur ses cultures. Il les applique dès la levée de la culture (2-3 feuilles) et à la reprise de la végétation en sortie d’hiver. L’objectif est de ramener la plante dans un bon état de santé. Cependant, il n’est pas dogmatique : « Il ne faut pas avoir peur d’utiliser les produits chimiques pour éviter de se faire déborder », estime celui que l’on pourrait qualifier d’homéopathe des cultures. Hervé De Smedt teste des extraits fermentés de fougères contre les pucerons. « On voit des effets sur les pois de printemps », affirme-t-il. Quant à les l’utiliser sur les betteraves de manière préventive… Le planteur ne se prononce pas.

Circuit court

Antoine Helleboid travaille sur une exploitation d’à peine 50 hectares. La culture des légumes est sa passion. « Le circuit court, c’est ce qui peut sauver les petites exploitations et faire connaître notre métier », déclare l’agriculteur qui a investi dans un distributeur automatique. « Je ne vends que les produits locaux (90 % viennent de chez moi) et de saison. Je ne vais pas m’approvisionner au MIN de Lomme-Lille. À ce propos, il faudrait mettre en place un label avec une charte sérieuse pour les distributeurs pour différencier les producteurs de ceux qui ne font que du commerce ». Antoine Helleboid est également très investi auprès de l’association Solaal (Solidarité des producteurs Agricoles et des filières Agro-Alimentaires) qui lutte contre le gaspillage alimentaire et permet d’offrir des produits frais aux plus démunis.

En votant pour Antoine Helleboid, les internautes ont couronné sa générosité. « Tout ce que l’on produit, c’est pour être consommé. On ne produit pas pour jeter et gaspiller », estime l’agriculteur. « J’ai donné 13 tonnes de légumes l’année dernière : des courgettes, des choux, des pommes de terre et des carottes ». C’est l’équivalent de 26 000 repas, estime Cécile Peltier, animatrice pour Solaal dans les Hauts-de-France.

Une betterave à 37 €

Et la betterave ? « Est-elle encore une culture que vous portez dans votre cœur ? », a demandé Laurent Boiroux, directeur de l’agronomie de Deleplanque. Oui, ont répondu les 3 lauréats. « On ne peut pas faire uniquement des rotations légume-blé, la betterave est une tête de rotation importante », a déclaré Antoine Helleboid. Hervé De Smedt et Bruno Cardot sont du même avis, mais ce dernier a fait ses comptes : « pour un blé à 310 €/t, il faudrait que la betterave soit payée minimum 37 €/t pour avoir une marge comparable. Si j’étais opportuniste, j’arrêterais la betterave, déclare Bruno Cardot. À l’avenir, il faudra utiliser tous les leviers, la génétique pourra résoudre beaucoup de problèmes. On compte beaucoup sur la technologie – principalement les nouvelles techniques de sélection (NBT) – et les technologies de pulvérisation, car on ne peut pas s’interdire le levier chimique. On doit aller chercher toutes les nouvelles technologies à notre disposition ».

Antoine Helleboid, le 19 octobre 2021 (N° 1135), Hervé De Smedt, le 2 mars (N° 1125), et Bruno Cardot le 5 octobre (N° 1134).