Avec 200 hectares semés en 2021, une cinquantaine cette année, Noriap s’intéresse au lupin. « C’est une demande de notre filière d’alimentation animale Novial », explique Pierre-Antoine Brunel, technicien ACS de la coopérative picarde. La société Novial souhaite incorporer des protéines locales pour ses usines de production d’aliments. Contrairement au soja, le lupin ne nécessite pas d’étape de trituration. Il pourrait être une alternative au soja d’importation. Avec, pour atouts, de générer une baisse des gaz à effet de serre et de lutter contre la déforestation. Outre les débouchés en alimentation animale, il s’utilise aussi en alimentation humaine. Excellent précédent pour le blé, meilleur que le soja, il améliore la structure du sol et permet une rupture du cycle des bioagresseurs.

Atout agronomique et protéique

« Autre avantage, le lupin blanc solubilise le phosphore : ses petites racines remobilisent le phosphore bloqué dans le sol », détaille Sophie Wieruszeski, chargée de mission agronomique à la Chambre d’agriculture de l’Oise, qui teste l’itinéraire technique. Ses petites racines remobilisent le phosphore bloqué dans le sol.

Mais le défi cultural s’avère complexe. La marge de la culture demeure indéterminée pour le producteur, déplore le technicien Noriap. En 2021, la moyenne des rendements tournait autour de dix quintaux, contre une trentaine attendue. Le lupin a un cycle plus ou moins indéterminé. Il a besoin d’un facteur externe pour terminer son cycle : chaleur, sec… Vu la météo pluvieuse de la campagne précédente, les maladies de fin de cycle ont explosé : sclérotinia, botrytis. « De plus, les dégâts d’oiseaux peuvent être catastrophiques, comme l’an dernier », ajoute Sophie Wieruszeski. Il est nécessaire de retravailler l’itinéraire pour sécuriser et améliorer les marges.

« Sensible au calcaire actif et au sol hydromorphe, le lupin se comporte mieux dans des sols acides au pH inférieur à 7 et drainants », précise le technicien. Le lupin doux d’hiver présente un cycle végétatif assez long et nécessite une implantation sur une parcelle propre. Semé fin septembre, il se récolte fin juillet. Le lupin de printemps s’implante fin février (densité autour de 150 kg/ha) et se récolte fin août. Le lupin bleu est plus rustique. Plus précoce, il accepte aussi des semis plus tardifs. Mais il reste de gros efforts à faire au niveau des variétés, moins productives.

Et nombreux aléas

Contrairement au pois ou à la féverole, les bactéries de la symbiose racinaire ne sont pas présentes dans le sol. Les semences de lupin doivent être inoculées, sinon les pertes de rendement peuvent atteindre 5 qx/ha (essais Noriap). Une dose de 400 gr/ha pour un pH inférieur à 6 et deux doses si le pH est supérieur à 6. Le lupin d’hiver ou de printemps se sème avec un semoir classique ou monograine si l’agriculteur souhaite biner. L’expert conseille de viser un peuplement de 25 à 30 pieds levés/m2 en lupin d’hiver et 60 à 65 pieds en lupin de printemps. Avec des écartements de 15 à 45 cm possibles pour le lupin d’hiver. Le lupin doux d’hiver présente un cycle végétatif assez long et nécessite une implantation sur une parcelle propre.

Pour le désherbage, comme toutes les plantes dont les superficies sont limitées, peu de solutions chimiques existent. De plus, la culture est peu couvrante. La levée assez longue laisse le temps aux adventices de regagner du terrain. D’où la nécessité de disposer de surfaces propres et indemnes de vivaces au départ. Centium, Prowl et Cent 7 sont autorisés. En cas de graminées résistantes, Kerb Flo est possible sur le lupin d’hiver. Le désherbage mécanique (herse étrille, houe rotative) apporte une bonne efficacité jusqu’au stade deux feuilles. La bineuse peut compléter le désherbage entre les stades 3 feuilles et début floraison.

Insensible à Aphanomyces euteiches, il ne multiplie pas l’inoculum. Mais la culture est sensible à l’anthracnose, la rouille, le sclérotinia, le botrytis et la maladie des taches brunes. Côté insectes, le lupin reste sensible à la mouche du semis, ainsi qu’aux thrips et aux sitones, sans oublier les limaces. Pour la fertilisation, un lupin de 45 à 50 qx exporte 30 à 40 unités de P2O5 et 40 à 50 de K2O. Encore faut-il atteindre un tel rendement…