Les sucriers sont confrontés à une crise brutale et inédite sur l’approvisionnement en gaz qui exacerbe les enjeux énergétiques. Le sujet n’est certes pas nouveau et les sucreries ont déjà amélioré leur schéma thermique. Elles ont diminué leurs émissions ces dernières années, mais restent fortement consommatrices en énergie. « Avec 8 à 9 térawatt-heure consommés, l’industrie du sucre représente à elle seule 30 % de l’ensemble de la consommation d’énergie du secteur agroalimentaire français ! Ce qui est considérable », a indiqué Christian Spiegeleer, président du SNFS lors de l’assemblée générale du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS) le 14 septembre. « Nous sommes déterminés à pérenniser notre production sur notre territoire, car notre bilan carbone est meilleur pour la planète que dans un scénario de délocalisation. Nous avons identifié des pistes potentielles, à condition que l’usage énergétique des pulpes soit garanti, comme il l’est par exemple pour le sucre de canne avec la bagasse ».

Les sucriers déplorent les trajectoires divergentes entre les différents pays européens. En effet, les industriels français ont investi dans la conversion au gaz de leurs usines, alors que d’autres pays européens n’ont pas fait cet effort. « Ceux qui sont restés au fuel ou au charbon tirent soudain, de leur procrastination, un avantage économique inespéré. On estime qu’une sucrerie au fuel se place aujourd’hui (pénalité CO2 comprise) à un coût énergétique moitié moindre qu’une sucrerie au gaz », a poursuivi le président du SNFS. Il dénonce une distorsion qui pénalise les plus vertueux.

Mais le principal danger est de manquer de gaz cet hiver. Le SNFS travaille avec l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) pour que le secteur alimentaire – et le sucre en particulier – soit reconnu comme secteur prioritaire en cas de délestage. « Après le black-out énergétique, l’Europe pourrait subir le black-out alimentaire », a déclaré la géographe Sylvie Brunel, qui était invitée à l’assemblée générale. Et de plaider pour un nécessaire retour à la réalité. « La décroissance n’est pas notre modèle », l’a rassurée le président du SNFS. Le sucre sera toujours produit en France !

La loi Egalim 2 passe mal chez les industriels

« Si nous sommes en phase avec le principe de la juste rémunération des producteurs, nous n’avons pas caché que cette loi est incomplète et qu’elle place les transformateurs comme variable d’ajustement par rapport à la distribution. Pour le sucre, nous avons fait valoir que la réglementation couvre déjà la contractualisation, qui prévoit des mécanismes de répartition de la valeur avec les agriculteurs », a rappelé le président du SNFS. C’est peu dire que, chez les fabricants, cette loi passe mal. Le SNFS et l’Union de sociétés coopératives agricoles Tereos France ont donc déposé un recours devant le Conseil d’État pour faire annuler le décret listant les filières exclues du champ d’application de l’article L.441-1-1 de la loi Egalim 2, relatif à la transparence sur le coût de la matière première agricole lors des négociations commerciales. Affaire à suivre…