Le cancer du poumon pourrait trouver un nouveau remède grâce à la mélasse de betterave. C’est ce que montrent des travaux réalisés par le laboratoire Sustainable chemistry de l’école d’ingénieurs Junia, qui regroupe HEI, ISEN et ISA (école d’agriculture de Lille), en collaboration avec l’Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement (IRCAN) de Nice. « Le laboratoire s’intéresse à la chimie verte, par la transformation de bioressource avec des procédés moins polluants », explique Alina Ghinet, responsable du laboratoire. Situé dans les Hauts-de-France, le laboratoire a favorisé la mélasse de betterave, qui produit de l’acide aminé, de nomenclature scientifique acide pyroglutamique. « On extrait l’acide de la mélasse qu’on transforme chimiquement par hémisynthèse afin d’améliorer sa solubilité. L’hémisynthèse est un procédé qui, en peu d’étapes, conserve le squelette d’origine de la matière première », précise la responsable de Sustainable chemistry. La mélasse est achetée ou récupérée chez un industriel de la région. « Mon seul regret est de ne pas travailler directement avec les betteraviers. C’est un projet européen que j’aimerais réaliser à l’avenir, pour aller du champ jusqu’à la molécule finale », déclare-t-elle. La molécule a été testée sur des souris porteuses de tumeur. Les biologistes ont induit les cellules cancéreuses sur des centaines de souris, avant d’administrer la molécule HEI3090.

80 % de régression tumorale

Les essais pré-cliniques sont encourageants après trois années, dont une consacrée à la recherche chimique : 80 % des souris présentent une régression tumorale complète, sans réapparition de cellules cancéreuses. « La molécule a provoqué une réponse immunitaire anticancéreuse efficace, elle a activé le système immunitaire des souris », constate Alina Ghinet. De hautes doses ont été administrées, allant jusqu’à 200 mg/kg corps afin de vérifier sa toxicité. Le résultat est concluant : la molécule n’est pas toxique chez l’animal, il n’y a pas de signe de perte de poids ou d’appétit. Suite à cette phase préclinique, trois phases vont se suivre, comptant 2 à 3 ans chacune. La première portera sur des tests sur 20 à 100 personnes, qu’on appelle des « sujets sains », c’est-à-dire des personnes en bonne santé, à qui on administrera la molécule brevetée. « Trois choses vont être vérifiées dans cette phase : la tolérance de la molécule, sa non toxicité, sa dangerosité et si oui, à quelle dose », précise-t-elle. Ces travaux de recherche ont été financés par l’Agence de la Recherche sur le Cancer (ARC) et des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT). L’école Junia travaille énormément avec la mélasse : elle possède une chimiothèque, une librairie de molécules, avec 4 000 molécules différentes, où la majeure partie est faite à partir de la mélasse. La betterave a de l’avenir !