Officiellement, il y aurait aujourd’hui 624 loups en France. C’est ce qu’annonce l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Mais ce chiffre est, pour certains observateurs, beaucoup trop faible. 700 serait plus proche de la réalité. Quoi qu’il en soit, les prélèvements ont été de 118 animaux en 2021 et de même importance en 2022. Une décision fixée à l’échelle nationale qui nécessite des acrobaties juridiques pour rester dans les clous de la réglementation européenne. Or, comme le relèvent dans une étude plusieurs organisations européennes de fermiers et de propriétaires terriens (COPA, COGECA, ELO), ainsi que la FACE (fédération européenne pour la chasse et la conservation), son statut actuel est aberrant.

Il est en effet inscrit à l’annexe IV de la directive habitat – « espèce strictement protégée » – alors qu’il n’est plus menacé. Et en expansion constante.

Pourquoi ne pas le sortir de là ? C’est la question que posent ces contestataires.

C’est aussi l’opinion de la députée Emilie Bonnivard (LR), auteur d’un rapport publié en début d’année sur la prédation du loup. Elle constate que « la forte croissance des coûts des mesures de protection pendant les 15 dernières années n’a pas permis de faire baisser de manière significative les attaques et la mortalité des troupeaux : 2 752 attaques et 10 900 animaux tués en 2021 (2 447 attaques et 8 973 bêtes tuées en 2015) ». Elle demande donc « à l’Union européenne une possible réévaluation du classement du statut des espèces strictement protégées dans la directive « Habitats » en fonction de la réalité de leur état de viabilité biologique au niveau européen ».

Le Parlement européen, lui aussi, partage le même point de vue : il a demandé à la Commission de mettre les textes en accord avec les faits.

En attendant, les indemnités d’indemnisation représentent 28,5 millions d’euros par an.

Gare au « patou » !

Mais ce n’est pas seulement une question d’argent. Les éleveurs sont constamment sous pression. Ils doivent à chaque instant surveiller les troupeaux. C’est un investissement en temps, en protection matérielle, en démarches juridiques. Et en stress. Pour les hommes comme pour les animaux.

En outre, la défense passive – clôtures, systèmes d’alarme, chiens de défense – non seulement peine à montrer son efficacité mais a des impacts négatifs sur l’environnement. Les clôtures empêchent la libre circulation des chevreuils, des cerfs et des sangliers ; les alarmes sonores perturbent la faune locale.

Dans son rapport, la députée Emilie Bonnivard note que la multiplication des chiens de protection de type « patou », énormes molosses, engendre « de graves conflits entre randonneurs et pastoralisme, voire entre habitants et éleveurs avec une multiplication d’incidents, parfois graves : morsures, plaintes, fermeture de chemins de randonnée. Ces accidents mettent les maires et les éleveurs dans des situations extrêmement difficiles, sans outil juridique adapté à ce nouveau contexte (absence de statut des chiens, non-définition de la responsabilité, etc) ».

Dans un autre rapport, signé cette fois par deux sociologues de l’Inrae, Antoine Doré et Frédéric Nicolas, intitulé « face au loup », on lit ceci : « le loup s’immisce dans la vie des familles et jusque dans la vie associative. Les loups les poursuivent dans toutes les dimensions de la vie sociale ». C’est ainsi qu’à l’école on se moque des enfants des bergers qui veulent du mal à un animal présenté par les éducateurs comme « inoffensif ». La paperasse administrative pour se faire indemniser n’en finit pas. On ne dort plus. On attend avec angoisse la prochaine attaque.

Le loup frappe d’abord en montagne. Mais pas seulement. Il est descendu pour coloniser de plus en plus de départements. Et si les dégâts sont massivement concentrés dans l’est du pays, on commence à enregistrer des attaques là où, l’année dernière encore, on pensait la région épargnée. En mai, il a tué deux veaux à la Ferté-en-Ouche dans le Perche. En juin, il a frappé deux fois … En Seine-Maritime ! Il est revenu tuer une brebis à Caule-Sainte-Beuve après avoir, trois semaines plus tôt, égorgé deux agneaux et deux brebis de ce même élevage. Il y a eu aussi des attaques dans l’Eure et la Somme.

La « tolérance sociale » a atteint ses limites

Qu’attend l’Europe pour réagir ? Sa prise de conscience est d’autant plus urgente que « la tolérance sociale » au prédateur a atteint ses limites.

Changer le statut d’une espèce est prévu par l’article 19 qui stipule : « les amendements, sur proposition de la commission, sont nécessaires pour adapter l’annexe IV en fonction des connaissances scientifiques ».

Or, la commission fait toujours la sourde oreille. En violation de la directive qui prévoit en effet que l’annexe IV est exclusivement réservée « aux espèces en danger ».

Non seulement le loup n’est plus « en danger » mais il va coloniser tout le pays !

Son attitude est d’autant plus stupéfiante que si l’animal passait dans l’annexe 5, il conserverait un statut favorable. Celle-ci prévoit, en effet, que les espèces mentionnées doivent être en bonne santé et pouvoir se développer harmonieusement.