Dans les expérimentations conduites par l’Institut technique de la betterave (ITB), la réalisation de faux semis a régulièrement conduit à une destruction importante d’adventices. Sur un essai conduit dans l’Aisne en 2019, ce sont environ 140 plantes/m² (chénopodes, coquelicots, mourons etc.) qui ont été détruites avant le semis des betteraves. En 2021, sur un essai conduit dans ce même département, la réduction des populations d’adventices était estimée autour de 100 plantes/m².

Évaluer les avantages et les inconvénients

L’enjeu de minimiser la concurrence des adventices en production biologique de betterave sucrière est majeur. En effet, même dans les situations où le désherbage mécanique est optimisé, avec des interventions très précoces, le recours à du désherbage manuel reste systématiquement nécessaire pour atteindre un niveau de maîtrise du salissement satisfaisant. Ce poste de charges est, de loin, le plus élevé pour la conduite de l’itinéraire technique. Et il repose sur une disponibilité de la main d’œuvre, pas toujours garantie.

Si l’efficacité des faux semis nécessite un recul de la date de semis et donc une perte de rendement potentielle, cette dernière est à mettre en regard des bénéfices sous-jacents. La meilleure maîtrise du salissement peut permettre un recours moindre à de la main d’œuvre pour désherber manuellement les betteraves. Dans l’essai conduit par la délégation ITB Normandie/Val d’Oise en 2022 (voir « éclairages régionaux »), pour une date de semis du 21 avril, une réduction de près de 50 % du nombre d’heures passées à l’hectare a été constatée pour l’itinéraire dans lequel deux interventions de faux semis ont été réalisées.

Par ailleurs, les adventices présentes en plus grand nombre dans des itinéraires sans faux semis peuvent engendrer, avant les interventions manuelles, une concurrence plus importante sur les betteraves sucrières.

Enfin, dans les cas où le recours au désherbage manuel est contraint du fait d’une disponibilité limitée ou d’une volonté de limiter les niveaux de charges, ces opérations de faux semis peuvent limiter le risque de se retrouver en situation d’échec complet de maîtrise du salissement.

Conditions de réussite des faux semis

La réussite des opérations de faux semis est conditionnée par le fait de favoriser les levées d’adventices, et de tenter de limiter au maximum l’assèchement du lit de semences, qui pourrait dégrader la qualité de levée des betteraves semées ensuite. Pour cela, il est recommandé de multiplier les interventions de préparation de sol rappuyées. Des passages de herse étrille, permettant un débit de chantier bien plus important, sont aussi possibles, mais principalement dans des situations où des pluies sont prévues. Leur capacité à entraîner des levées d’adventices, et donc à maximiser l’efficacité des faux semis, est moindre.

Enfin, ces opérations doivent être réalisées en cohérence avec les périodes de levée des principales adventices présentes sur la parcelle. Dans certaines situations, ces opérations peuvent être moins utiles. Cela peut être le cas de parcelles avec une pression de salissement très faible, ou bien où les adventices problématiques ont tendance à lever tardivement (pensées etc.) Si les opérations de faux semis précèdent la période de levée de ces adventices, elles n’auront aucune efficacité sur celles-ci.

Dresser un bilan permettant de juger de l’intérêt global des faux semis est complexe. Des références sont encore à acquérir sur ce sujet.

Un intérêt observé des faux semis sur les ray-grass

Éclairages régionaux : Alexandre Métais, responsable régional de la délégation Normandie / Val d’Oise

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Dans l’essai conduit en Normandie en 2022 en production biologique, la réalisation de faux semis a permis de réduire significativement les populations de ray-grass, et donc de faciliter la gestion du désherbage par la suite. La parcelle, suivie avec la Chambre d’agriculture de Normandie, présentait des populations d’adventices relativement faibles. Pour autant, l’intérêt des faux semis s’est traduit par un temps de désherbage manuel réduit, pour arriver à un état très satisfaisant de la maîtrise du salissement.

Nous avons conduit trois modalités différentes. Deux modalités ont été semées au 21 avril, dont une avec uniquement un labour et une préparation de sol, et l’autre avec, en plus, deux opérations de faux semis entre le labour et la préparation. Une troisième modalité a été semée 8 jours après, pour permettre la réalisation d’un faux semis supplémentaire. Les levées successives de ray-grass ont conduit à une très bonne efficacité de ces opérations (voir figure 1). L’intérêt sur des adventices levant plus tardivement, comme les pensées, est visible uniquement sur la modalité avec la réalisation d’un 3ème faux semis, plus tardive. Sur cet essai, compte tenu de la réduction du temps de désherbage permise (voir figure 2), l’intérêt économique des faux semis est évident.

Un marché européen du sucre biologique qui se cherche…

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Alors que certains évoquent un retournement de tendance sur plusieurs marchés de produits issus de l’agriculture biologique, l’étude réalisée par l’Association de recherche technique betteravière (ARTB) – qui porte sur les données annuelles 2021 – fournit un état des lieux de la situation sur le marché européen du sucre biologique. Les travaux font notamment ressortir une forte contraction du niveau des importations des productions venant des pays tiers, ainsi qu’une hausse des surfaces européennes de betteraves biologiques cultivées dans l’Union européenne, mais à un rythme plus ralenti que par le passé.

Très concrètement et d’un point de vue quantitatif, l’analyse révèle que le niveau des importations de sucre de canne biologique venant des pays tiers a atteint 163 000 tonnes en 2021 (-23 % par rapport à 2019) avec une baisse quasi généralisée pour toutes les origines, à l’exception du Costa Rica et de l’Argentine. Dans le même temps, l’étude montre que les surfaces européennes (plantées) de betteraves biologiques ont représenté un peu plus de 14 000 ha en 2021, soit une hausse de 14 %.

Au total, l’ARTB estime que le marché européen du sucre biologique en 2021 représente un volume de 250 000 tonnes : en baisse de 9 % par rapport à la campagne précédente.

Par ailleurs, les travaux soulignent qu’au regard de la dynamique baissière des importations constatée lors des deux dernières années, le marché du sucre biologique correspond plutôt à un marché de « commodité » dont le principal facteur directeur reste le prix. En ce sens, le sucre biologique utilisé en Europe ne constitue pas véritablement un « produit de niche à forte valeur ajoutée » comme cela avait été initialement anticipé.

Enfin, l’impact possible des évolutions règlementaires, entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2022, pourrait modifier l’équilibre du marché, mais pas avant 2024/25 ou 2025/26. Elles concernent notamment les règles d’équivalence pour les produits importés. Combinés avec l’émergence d’une demande de la part du consommateur pour des produits locaux, ces éléments sont de nature à renforcer le développement (à moyen terme tout du moins) de la production domestique européenne de sucre biologique. L’étude souligne toutefois que la dynamique actuelle à court terme est visiblement contrainte par la demande, et non par l’offre.