Afin de déterminer avec justesse la bonne dose d’azote à apporter, l’ITB préconise de réaliser un reliquat de sortie hiver dans chaque parcelle, et d’utiliser préférentiellement l’outil de conseil Azofert®. Cette dose conseillée pourra être minorée de 40 kgN/ha au maximum afin d’approcher un optimum économique et ce, principalement dans des situations où elle est initialement supérieure à 100 kgN/ha. Une valorisation optimale de l’azote nécessite de réaliser les apports dans de bonnes conditions, et au bon moment. L’intérêt de l’enfouissement localisé au semis est renforcé dans ce contexte de prix.

Considérer une minoration de la dose conseillée par Azofert®

Le contexte actuel des prix des engrais conduit à s’interroger sur le fait de réduire ou non la dose conseillée par Azofert® afin d’atteindre un optimum économique.

L’ITB a mené une étude sur son réseau d’essais (2013-2022) pour évaluer la perte de rendement associée à une réduction de 40 kgN/ha par rapport à la dose conseillée. Au niveau national, les estimations de l’impact moyen sur le rendement d’une réduction de 40 kgN/ha de la dose conseillée sont données dans le tableau 1. La perte de rendement associée à une réduction de la dose apportée, par rapport à la dose conseillée, est d’autant plus importante que la valeur de cette dernière est faible. Cependant, il faut noter que la variabilité de la réponse de l’azote à la betterave est relativement importante. Des écarts sensibles peuvent être constatés autour de ces valeurs. De plus, une fois le choix d’une réduction d’apport réalisé, du fait de la physiologie de la betterave sucrière, aucune mesure de rattrapage efficace ne pourra être considérée en cours de cycle végétatif.

Le fait de considérer une réduction de la dose dépend donc de la valeur de la dose conseillée, mais aussi du prix d’achat de l’azote, du prix de vente de la betterave, et du rendement potentiel auquel s’appliquera le facteur de perte, propre à chaque exploitation. La décision repose sur l’économie permise par la réduction de dose (Prix de l’azote x Minoration de la dose apportée), à laquelle on soustrait la perte économique liée à la baisse de rendement estimée (Objectif de rendement à la dose conseillée (t/ha) x Perte de rendement (%) x Prix de la betterave). Le tableau 2 donne les résultats de ce calcul pour une dose conseillée de 80 kgN/ha et donc un facteur de perte de 2.84 %, un rendement à la dose conseillée de 85 t/ha.

Selon les situations, plusieurs scénarios se dégagent. Globalement, l’intérêt d’une réduction de 40 kgN/ha se présente surtout dans les situations où la dose conseillée est supérieure à 100 kgN/ha. À l’inverse, pour la majorité des cas où la dose conseillée est inférieure à 60 kgN/ha, il n’y a pas d’intérêt à une réduction. Enfin, il y a des situations intermédiaires, comme celle présentée dans le tableau 2, où la prise de décision est plus complexe, et où pourront éventuellement être envisagées des minorations moindres.

L’ITB déconseille des réductions de doses de plus de 40 kgN/ha, qui peuvent conduire à des pertes de rendement conséquentes, et donc à s’éloigner d’un optimum économique. Il est bien évidemment déconseillé de faire l’impasse sur l’apport d’azote (sauf si la dose conseillée est nulle), et sur les autres éléments nécessaires au développement de la betterave sucrière.

Afin de limiter les risques liés à la réduction de la dose conseillée, il est nécessaire de bien évaluer cette dernière.

Déterminer la bonne dose d’azote à apporter avec Azofert®

Azofert® applique de façon dynamique la méthode du bilan azoté. Celle-ci repose sur une valeur fiable du reliquat de sortie hiver, qui doit être mesuré à la parcelle. La forte variabilité inter-parcellaire des reliquats de sortie hiver peut conduire à une erreur de plusieurs dizaines d’unités d’azote par hectare, si l’on considère une valeur moyenne publiée régionalement.

Le prélèvement doit être réalisé sur trois horizons (0-30, 30-60 et 60-90 cm), sauf si le sol de la parcelle présente un obstacle manifeste à l’enracinement avant d’atteindre les 90 cm. La prise en compte de seulement deux horizons conduit à sous-estimer l’azote disponible à l’ouverture du bilan puisqu’elle ne considère pas celui contenu dans le troisième horizon. De plus, la perte d’azote du reliquat par lixiviation, modélisée par Azofert®, est alors estimée pour une profondeur de 60 cm et non 90 cm : celle-ci est donc surestimée. Ces deux paramètres conduisent à conseiller une dose d’azote erronée, majorée de 10 à 30 kgN/ha environ, ce qui se traduit par une augmentation importante des charges liées à l’engrais, et une potentielle perte de richesse pour la betterave sucrière. Afin de capter correctement la variabilité au sein de la parcelle, le prélèvement doit idéalement consister en douze carottages, réalisés en forme de cercle, dans la zone la plus représentative (figure 1).

Au-delà de la mesure du reliquat, il est primordial de bien renseigner la fiche d’informations agronomiques. Il est recommandé de réaliser une analyse de sol pour remplir la rubrique dédiée, ou de s’appuyer sur une analyse récente. De même, si des apports organiques sont faits, l’analyse de ceux-ci permettra de fiabiliser le conseil, car la variabilité des teneurs des produits résiduaires organiques de même nature est importante. Des mauvaises informations indiquées sur ces deux postes peuvent conduire à des erreurs d’environ 10 à 30 kgN/ha sur le bilan azoté.

Bien ajuster son mode d’apport

Dans la figure 3, l’ITB rappelle les principaux conseils pour la réalisation des apports d’azote sur la betterave sucrière. Il conviendra d’être prudent, notamment dans les situations où une minoration de la dose a été retenue, d’apporter l’azote dans de bonnes conditions pour optimiser sa valorisation. Pour limiter les pertes par volatilisation, il est conseillé d’enfouir l’engrais dans les heures qui suivent l’épandage, en particulier si la forme d’engrais employée y est sensible. Pour rappel, des références expérimentales françaises montrent que, parmi les engrais de synthèse, l’urée est la plus sujette à la volatilisation, suivie de près par la solution azotée. Le risque est moins important pour l’ammonitrate.

La réalisation d’apports fractionnés est possible, et est à privilégier dans les situations où la contrainte logistique conduirait à apporter une dose conséquente proche de la date du semis. Le fractionnement permet alors d’éviter les brûlures importantes des germes dues au contact avec l’engrais. Cependant, l’apport en végétation ne doit pas être réalisé au-delà du stade 4 feuilles, au risque sinon de constater une baisse de richesse et de productivité. Pour celui-ci, il est important de privilégier l’ammonitrate : l’emploi de solution azotée peut conduire à des pertes par volatilisation de plusieurs unités d’azote. De plus, dans la mesure du possible, l’intervention doit être réalisée juste avant un créneau de pluies significatives, afin d’éviter que l’engrais reste en surface et se volatilise en partie.

Le mode d’apport le plus adapté pour réduire la dose d’azote sans compromettre le rendement est de réaliser des apports enfouis localisés. Des dispositifs existent pour enfouir des formes liquides (solution azotée), mais aussi des formes solides (urée, ammonitrate). Le conseil habituel considère une minoration de la dose conseillée correspondant au poste de volatilisation estimé, l’enfouissement permettant de limiter fortement ce phénomène. Dans des essais conduits sur la base du conseil fourni par Azofert®, l’ITB estime que ce mode d’apport permet un gain de rendement de l’ordre de 2 à 3 %. Il convient cependant de s’assurer du bon réglage du matériel de localisation de l’azote, pour que l’engrais soit bien positionné (figure 2). Un apport trop proche de la graine peut entraîner des pertes de pieds importantes. À l’avenir, les apports enfouis localisés sont un bon moyen pour se prémunir face à des contextes de prix élevés des engrais.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Le respect des règles de base pour déterminer la dose d’azote à apporter est indispensable pour limiter les surcoûts en engrais, et se positionner dans une situation fiable pour décider d’une minoration éventuelle de la dose. Cette réduction ne devra pas dépasser les 40 kgN/ha.

Le moyen le plus efficace pour diminuer sensiblement la dose d’apport sans impact négatif sur la productivité est l’emploi de dispositifs d’enfouissement localisé d’azote.