Prix élevés des céréales, des betteraves et du lin, flambée des charges, aléas climatiques : la production de pommes de terre est concurrencée par des cultures économiquement et agronomiquement moins risquées. Par ailleurs, elle peut représenter un obstacle pour percevoir les aides aux écorégimes de niveau 2 (niveau supérieur). Car en implantant une grande superficie de pommes de terre, leur assolement pourrait en effet ne pas être suffisamment diversifié, surtout s’ils renoncent à mettre une partie de leurs terres arables en jachère ou en prairie temporaire.

« Pour toutes ces raisons, rendre la culture de pommes de terre attractive est une priorité, aussi bien pour les agriculteurs que pour McCain », affirme Bertrand Achte, président du Gappi, le groupement d’agriculteurs producteurs de pommes de terre pour l’industrie. Quelques semaines avant de proposer de nouveaux contrats aux planteurs, l’industriel a répondu aux attentes des cultivateurs du Gappi de réévaluer les prix des contrats de la campagne 2023-2024, de 37 % en moyenne par rapport au prix actuellement en vigueur en 2022-2023.

En fait, les réévaluations de prix varieront de 34 % à près de 40 %, selon la période à laquelle les pommes de terre sont livrées.

Les prix des contrats de pommes de terre livrées au début de la campagne 2023-2024, durant les mois de septembre – octobre 2023 notamment, augmenteront de 34 % à 35 %. En intersaison, les prix des pommes de terre expédiées seront quant à eux majorés de 40 % en moyenne et, en fin de saison, de 38 %.

Les planteurs de pommes de terre attendaient ces réévaluations. Les augmentations de prix accordées permettent, dans l’état actuel de la conjoncture, de compenser les hausses des intrants observées au cours des douze derniers mois et de préserver l’attractivité économique de la culture.

L’automne passé, certains producteurs de pommes de terre avaient du reste semé plus de céréales d’hiver qu’à l’accoutumée, car elles sont plus résistantes à la sécheresse que de nombreuses autres plantations.

Par ailleurs, la nouvelle grille de prix proposée par McCain redonnera, à de nombreux planteurs, un peu de latitude pour compenser le manque à gagner qu’ils subiront, s’ils ne perçoivent que des aides aux écorégimes de niveau 1.

La question se poserait autrement si les planteurs visent la certification HVE2+ ou l’aménagement d’infrastructures agroécologiques.

« La patience paie. Les nouvelles grilles de prix sont complétées par deux mesures d’ores et déjà très appréciées par les planteurs du Gappi. En effet, McCain propose, à ceux équipés de groupes de froid, des compensations afin de les dédommager des frais qu’engendre la conservation de pommes de terre aux mois de mai et juin prochains ».

Le prix de chaque tonne de tubercules livrée en mai prochain sera ainsi majoré de 10 € et, en juin, de 12 €.

Enfin, l’ensemble de la production de pommes de terre produite pourra être payé au prix des contrats signés selon le choix des producteurs, qu’ils soient conclus en t/ha ou en hectares produits avec un tonnage maximum.

De même, aucune compensation ne sera exigée aux planteurs qui ne seraient pas en mesure d’honorer leur contrat pour, notamment, des raisons climatiques.

Changement d’époque

La filière de transformation a changé d’époque. Après plusieurs campagnes particulièrement déstabilisantes, la nouvelle politique contractuelle de Mc Cain vise à sécuriser l’approvisionnement de ses usines.

Les décisions prises par l’entreprise pour la campagne 2023-2024 montrent que son sort est intrinsèquement lié à celui des planteurs. Manquer de pommes de terre devient une menace permanente. Les rendements s’effritent un peu plus chaque année.

La nouvelle grille de prix McCain montre aussi que le groupe a les moyens de répercuter sur les prix de vente des produits finis les hausses accordées aux producteurs. Comme les ménages ne changeront leurs habitudes alimentaires, en renonçant à acheter des produits prêts à cuisiner, ces derniers sont prêts à payer plus cher leurs sachets de frites fraîches ou surgelées.

De plus, comparées à d’autres aliments, les frites restent malgré tout un aliment très bon marché. À 1,80 € le sachet d’un kilogramme, la portion reviendra à 40-45 centimes.

En octobre dernier, décrocher des hausses de prix de contrat de 37 % était loin d’être acquis. McCain avait alors pris conscience qu’il fallait rendre attractive la production de pommes de terre et, pour autant, le groupe n’avait proposé qu’une augmentation des prix des contrats de 27 % en moyenne. Or, le Gappi demandait déjà une hausse de 35 %. Mais en Belgique, le salon interprofessionnel de la pomme de terre passé, les lignes ont bougé. La société Clarebout a proposé d’augmenter ses prix de 36 % quelques semaines plus tard. Il n’en fallait pas plus pour que McCain augmente les siens de 37 %.

Une OP à l’étude

Constituer une Organisation de producteurs (OP) quand on est planteur de pommes de terre est complexe, car la future organisation porte sur un produit qui se conserve plusieurs mois.

Autrement dit, la nature intrinsèque de la pomme de terre offre aux planteurs une latitude de négociation, avec les secteurs de l’aval, plus favorable qu’elle ne l’est par exemple avec les éleveurs laitiers. Le lait est en effet une denrée périssable en 48 heures.

Par ailleurs, la prochaine OP devra représenter tous les cultivateurs de pommes de terre, aussi bien ceux qui sont sous contrat avec des industriels que ceux qui vendent leur récolte sur le marché libre.

Après plusieurs rencontres avec la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l’Agriculture, « on a proposé un schéma d’organisation qui prend en compte les particularités de la filière pomme de terre. Et aujourd’hui, on attend un retour », explique Bertrand Achte.