Tous les Français connaissent Mousline, seule marque de purée nationale. Mais peu de consommateurs savent que la célèbre purée est produite à Rosières, en Santerre, dans la Somme, depuis 1963. Sa vente par Nestlé en octobre dernier à un fonds d’investissement français, FnB Private Equity, axé sur les PME agro-alimentaires, a mis en lumière cette entreprise un peu oubliée. La nouvelle direction mise sur le fort ancrage local de cette usine, qui emploie 150 salariés permanents et 20 intérimaires.

« Mousline, avec 80 millions de chiffre d’affaire, occupe la place de leader de la purée en flocons. Elle détient 70 % de parts de marché en France et exporte 25 % de sa production. Mais elle a besoin d’être redynamisée », explique Hachim El Fadil, le directeur de l’usine.

Le marché est en décroissance continue. L’entreprise qui a produit jusqu’à 27 000 tonnes de flocons n’en a fabriqué que 17 300 t en 2022 (année de sécheresse où les volumes de production de pommes de terre ont été en dessous des prévisions).

Une stratégie de croissance

La firme espère revenir progressivement aux volumes antérieurs. En 2023, le leader de la purée vise 20 800 tonnes, soit une progression annuelle de 3 000 tonnes. « Nous sommes confiants sur l’évolution. La baisse de nos volumes ne nous a jamais fait perdre nos parts de marché. Mais en tant que leader, nous devons l’animer, sinon il décline », ajoute le directeur. La seule concurrence existante provient des marques distributeurs. La nouvelle équipe a prévu d’investir dans l’outil de production (20 M€ prévus) afin d’atteindre 28 000 à 30 000 tonnes de purées déshydratées d’ici quelques années. Autre redynamisation, la promotion. Après un silence radio et télé depuis 2018, les Français devraient retrouver le fameux air « Quand je fais de la purée Mousline, je suis sûre que tout le monde en reprend ». Cette initiative médiatique marquera aussi les soixante ans de la marque.

L’accent est également mis sur le marketing. « Les flocons sont vendus avec un prix de portion moins cher que les pâtes ou le riz », souligne le directeur. La firme souhaite développer de nouveaux marchés, comme la restauration hors domicile où elle est déjà la seule à être présente. Elle réfléchit au segment bistrot, le manque de main d’œuvre ne permettant parfois plus d’éplucher les pommes de terre. 20 personnes ont déjà été recrutées au service commerce/marketing/finances installé à Issy-les-Moulineaux. L’équipe devrait doubler prochainement.

100 000 tonnes de pommes de terre à moins de 25 km

Pour produire un kilo de flocons, il faut environ cinq kilos de pommes de terre. Soit un besoin de 100 000 tonnes de tubercules en 2023. La firme s’approvisionne principalement avec 130 producteurs locaux. Réunis en groupement (1), ils se situent dans un cercle de 25 kilomètres et réalisent près de 70 % des approvisionnements. Le reste provient principalement des Hauts-de-France et des régions voisines. « Cet ancrage local est un atout unique en France pour un producteur de purée », appuie Hachim El Fadil. « Nous construisons un véritable partenariat avec les producteurs. Certains travaillent avec nous depuis 1963. Les planteurs disposent d’engagement sur des volumes de matières sèches sur 1, 2 ou 3 ans, à leur convenance », continue le responsable. Certaines campagnes demandent de la flexibilité. Ainsi, en 2022, année de sécheresse, une partie des grenailles a été payée, alors que normalement seul le calibre 35/50 mm est admis.

Toutes les pommes de terre sont livrées directement par les agriculteurs à l’usine, en fonction d’un planning variétal. Elle fabrique toute l’année, sauf en juillet-août. Les prix d’achat et les primes de stockage sont négociées avec le groupement de producteurs. Cette année, vu la forte progression des charges, à la production et au stockage, les prix ont fortement augmenté. « Du jamais vu, continue le dirigeant, avec des hausses de 30 à 50 %. Nous recherchons des solutions ensemble. Nous souhaitons aussi accueillir de nouveaux producteurs, vu l’augmentation prévue des volumes ».

Neutralité carbone

Autre atout de la proximité avec les producteurs : l’empreinte carbone très faible de l’approvisionnement. Mousline atteint la neutralité carbone pour la fabrication de la purée. Depuis 2012, elle utilise des plaquettes de bois (30 000 t/an) dans sa chaudière biomasse, complétée par un peu de gaz vert et d’électricité, dévoile le directeur de fabrication. Le bois provient de forêts situées à moins de 100 km. Ce choix précurseur sécurise la production et devient aujourd’hui un avantage compétitif indéniable. Un système récupère de la chaleur et de la vapeur. Enfin, tous les déchets sont valorisés en méthanisation depuis 2017.

Des pommes de terre aux flocons

Du lundi au vendredi, les producteurs de pommes de terre livrent 500 tonnes par jour, soit entre 20 et 30 chargements. Après un passage à la bascule, un échantillon est prélevé pour calculer la matière sèche, la tare terre et les corps étrangers. « Nous recherchons des pommes de terre riches en matière sèche, autour de 22 à 26 %, précise le directeur, comme Fontane, Astérix, Challenger, Bintje ». Les pommes de terre sont ensuite stockées au maximum quelques jours avant d’être regroupées dans un mix. Elles sont lavées et épierrées lors du transport hydraulique jusqu’à l’étape d’épluchage. Les tubercules sont pelés par des brosses, puis cuits à la vapeur à 95 degrés pendant 40 mn. Ils sont alors écrasés dans les presse-purée (couteaux trancheurs). La purée fraîche obtenue est étalée sur un tambour sécheur, gros cylindres de 5 mètres, traversé par de la vapeur à 140 degrés. La fine feuille séchée sur le cylindre passe dans la floconneuse avant d’être ensachée, mise en boîte et envoyée dans le magasin d’expédition. Au total, l’entreprise dispose de quatorze sécheurs et de sept lignes de production, dont quatre vont bientôt être remplacées. Y a du flocon dans l’air !