La position de l’Allemagne sur l’essence synthétique a fait beaucoup de bruit ces dernières semaines. Alors que le règlement sur les émissions de CO2 des voitures avait été négocié en « trilogue » et voté par le Parlement européen le 14 février, Berlin, a demandé une exception pour les véhicules utilisant des carburants de synthèse. Le Conseil de l’Union européenne a donc de nouveau voté le règlement le 28 mars.

En annonçant la fin des voitures neuves émettant du CO2 au pot d’échappement, la nouvelle législation ouvre une voie royale aux véhicules électriques. Mais le « considérant 11 » du règlement laisse quand même une porte ouverte aux moteurs à combustion, à condition qu’ils n’émettent pas de CO2 en fonctionnant avec des carburants neutres en carbone.

Par son intransigeance, l’Allemagne a tout simplement fait pression pour que la Commission européenne n’enterre pas la possibilité de construire des voitures fonctionnant avec des moteurs thermiques.

Maintenant, il reste à définir ce qu’est un carburant neutre en carbone. Le fameux e-fuel dont parlent les Allemands est un carburant de synthèse fabriqué en captant le CO2 de l’air, ou à la sortie des cheminées. Ce CO2 est ensuite combiné à de l’hydrogène produit à partir de l’électrolyse de l’eau, une opération qui nécessite de l’énergie fournie par de l’électricité renouvelable. Alors pourquoi les carburants renouvelables neutres en carbone ne seraient-ils pas aussi éligibles ? L’Italie s’est déjà positionnée pour l’éthanol. La Suède, la Finlande et l’Estonie pour le biométhane.

La Collective du bioéthanol – représentée par l’Association Interprofessionnelle de la Betterave et du Sucre (AIBS) et le Syndicat National des Producteurs d’Alcool Agricole (SNPAA) – demande aux pouvoirs publics français que l’éthanol soit également considéré comme un carburant neutre en carbone.

Synergie entre E-fuels et bioéthanol

« L’éthanol a vocation à être mélangé avec les e-fuels, explique Nicolas Kurtsoglou, porte-parole de la collective du bioéthanol. Un carburant composé à 100 % d’e-fuel ne serait pas compatible avec les moteurs thermiques actuels. En y associant 20 % d’éthanol, la compatibilité serait assurée ».

De plus, les e-fuels étant bien plus coûteux que les carburants fossiles (au moins 3 €/ l au début), un mélange avec une majorité d’éthanol (moins d’1 € /l en moyenne ces dernières années) dans le Superéthanol-E85 permettra de rendre les carburants « neutres en carbone » plus abordables.

La Collective du bioéthanol explique aussi que les deux filières de productions sont en interdépendantes : le CO2 de fermentation issu de la production d’éthanol pourrait être l’une des matières premières majeures des e-fuels. Développer la production d’éthanol permettra donc de développer celle des e-fuels.

Pour que l’éthanol soit éligible, il faudra convaincre la Commission et le Parlement qui ont aussi leur mot à dire. Ce ne sera donc pas facile.

L’Allemagne a montré qu’elle sait défendre son industrie. La France, pays leader sur le biotéhanol, fera-t-elle de même en demandant que l’éthanol soit considéré comme neutre en carbone, pour qu’il puisse alimenter les moteurs thermiques après 2035 ? On verra si la France veut vraiment soutenir sa filière biocarburants.