L’arrêt du mancozèbe en 2021 a-t-il rebattu les cartes en 2022 entre les substances actives applicables en préventif pour contrôler le mildiou de la pomme de terre en début de cycle ? Denis Gaucher, responsable technique pommes de terre chez Arvalis, estime que, par le biais des taxes, la molécule régressait depuis dix ans. Les parts de marché se sont réparties entre les fongicides qui s’appliquent en condition de croissance active.

Raréfaction des multisites

Si une réponse phytosanitaire existe pour toutes les périodes du cycle végétatif, pour Bertrand Boulet, responsable technique grandes cultures chez Certis-Belchim, le portefeuille de solutions est à préserver collectivement : « maintien de la dose d’efficacité et alternance des modes d’actions obligatoires ! » Suite au classement toxicologique du diméthomorphe en CMR1 (voir encadré), Vincent Billon, chef de marché pommes de terre chez BASF Agro, met lui aussi l’accent sur la nécessaire préservation des solutions dans un contexte de raréfaction des multisites – il reste le métirame – et espère l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un anti mildiou pour 2025. Pour Damien Ronget, responsable technique chez Gowan, le cuivre, multisites, est à reconsidérer comme un moyen d’atténuer l’apparition de souches de mildiou résistantes. « Désormais, la résistance variétale implique d’adapter la construction des programmes combinant tolérance variétale et protection fongicide », explique-t-il. L’entreprise engage en 2023 des essais pour évaluer les meilleures associations à la zoxamide.

Mileos, agent de sécurité des fongicides

En amont, la destruction des tas de déchets et des repousses au champ limite les contaminations primaires du mildiou. Ensuite, afin de sécuriser l’application des fongicides, 60 % des planteurs utilisent l’OAD Mileos d’Arvalis. Clé de voûte de la stratégie fongicide, intégré dans d’autres OAD, il modélise la sporulation et la croissance du mildiou. Une économie moyenne de 5 points d’IFT de 2018 à 2022 a été notée. « Seule compte la réponse en fonction du risque, indique Denis Gaucher. In fine, l’objectif, c’est d’éviter d’intervenir en curatif. »

Dans tous les cas, la météo donne le tempo. « Le positionnement du premier traitement anti-mildiou peut être plus tardif, comme cela fut le cas en 2022, faute de pluie, ou précoce comme en 2021 », partage Pierre Deroo, aussi expert pommes de terre chez Arvalis. Le choix des produits se raisonne selon le risque et le stade pour lequel ils sont efficaces.

Bloquer la sporulation sur jeunes organes

Sur les jeunes organes, les solutions préventives qui bloquent la germination des spores de l’oomycète sont recommandées. Certis-Belchim propose son produit de contact élaboré à action sporicide Ranman Top (cyazofamide) en tout début de cycle, « là où on faisait du mancozèbe ». Idem pour BASF avec Zampro Star (ametoctradine), un contact « résistant au lessivage ».

Pendant la période de croissance active, surtout avec la pluie, Arvalis préconise ceux de type translaminaires car ils pénètrent dans la plante tels Revus de Syngenta (mandipropamide), Infinito de Bayer (fluopicolide + propamocarbe ), ainsi que Zorvec Enicade de Corteva lancé en 2021. « Ce nouveau mode d’action performant est à encadrer en programme pour préserver son efficacité de la résistance et, surtout, il est à éviter en curatif », complète Pierre Deroo. Ce que confirme Corteva, le commercialisant en pack, soit avec de l’amisulbrom soit avec du cyazofamide. « Avec son partenaire, il apporte 3 jours de protection en plus par rapport aux références. Deux applications consécutives économisent un passage », ajoute David Pé, chef de marché fongicides grandes cultures chez Corteva.

Souplesse en végétation stabilisée

En végétation stabilisée, les « contacts » prennent le relais avec la possibilité de réintroduire une solution translaminaire dans le programme. Pour Mylène Striebel, chef de marché pommes de terre de Bayer, « si Infinito peut être appliqué jusqu’en fin de cycle, l’atout d’un tel fongicide associant deux matières actives réside dans sa souplesse de positionnement au sein d’un programme fondé sur l’alternance des solutions ». En cas de maladie déclarée, Arvalis insiste sur la nécessaire association de molécules autour de la seule solution curative, cymoxanil, car « plus une molécule s’expose à un fort niveau d’infestation, plus le risque de sélection des résistances s’accentue ». Certis-Belchim commercialise le cymoxanil seul (Cymbal 45/Drum Flow) à associer avec un contact sporicide ou en prêt à l’emploi : Kunshi/Tezuma (cymoxanil+fluazinam).

Pour aller plus loin dans la baisse de l’IFT, Arvalis préconise de miser sur des variétés de moindre sensibilité et de recourir au biocontrôle. Avec un bémol : « à condition que les cahiers des charges s’ouvrent à ces variétés et que le surcoût de l’innovation soit absorbé jusqu’au cornet de frites », complète Denis Gaucher. Pour lui, Pygmalion de De Sangosse (phosphonate de potassium), solution efficace et qui baisse l’IFT, devrait être mieux valorisé. Bayer l’a expérimenté pour Infinito à 1,2 l/ha pour obtenir un IFT à 0,75.

Durcissement de la réglementation pour le diméthomorphe

Le diméthomorphe est désormais classé CMR1 (phrase de risque H360F – peut nuire à la fertilité). « Depuis l’automne 2022, nous avons informé la distribution agricole des obligations réglementaires associées et rappelé l’importance du port d’équipements de protection individuelle (EPI) adaptés », explique Vincent Billon, chef de marché pommes de terre chez BASF pour le produit Zampro Max.