Selon une source d’information russe rapportée par le site Ukragroconsult.com, le corridor de la mer Noire serait reconduit pendant deux mois. Sinon, « l’Ukraine a un plan B au cas où il serait complètement fermé », a affirmé, pour sa part, le ministre ukrainien de la Politique agraire et de l’alimentation, Mykola Solsky.

Ces douze derniers mois, les Ukrainiens ont en effet su prendre les mesures nécessaires pour exporter leurs céréales et leurs oléoprotéagineux par voies terrestres et fluviales.

Jusqu’à 50 millions de tonnes (Mt) de grains pourraient être ainsi acheminées par route, par train et par barge. La logistique des ports de Reni et d’Izmail sur le Danube s’est énormément développée.

Mais surtout, le port roumain de Constanza est à lui seul en mesure d’expédier jusqu’à 6 Mt de maïs et 4 Mt de blé ukrainiens sur les 24 Mt de grains qu’il pourrait charger durant la prochaine campagne commerciale 2023-2024. Néanmoins, les céréales ukrainiennes engorgeront ce port proche de la saturation. Les prochaines récoltes roumaines de céréales sont annoncées abondantes.

En fait, la Russie et la Turquie ont davantage besoin de la reconduction du corridor que l’Ukraine qui n’est plus la puissance agricole d’il y a encore deux ans. C’est pourquoi ce corridor pourrait être reconduit. Et pour ces deux pays, le climat commercial n’en sera que plus apaisé.

La Russie croule sous les stocks

C’est la Russie qui croule sous des stocks de grains en cette fin de campagne, et non pas l’Ukraine ! Alors que l’ex-empire des tsars n’est pas assuré d’atteindre ses objectifs d’exportation de blé (44,5 Mt) pour 2022-2023, il sait qu’il devra en expédier de nouveau 45 Mt la campagne prochaine. Il la débutera même avec au moins 18 Mt de stocks.

Pour sa part, la Turquie veut pouvoir importer, de la mer Noire et à des prix modérés, les millions de tonnes de blé nécessaires pour alimenter son industrie meunière.

En attendant, le conflit russo-ukrainien et les tensions géopolitiques générées par la reconduction, ou pas, du corridor maritime le 19 mai prochain ne déteignent plus sur le fonctionnement des marchés des céréales.

Le retour des prix des céréales à leurs niveaux de 2021 montre que les marchés des grains ont retrouvé leur équilibre d’avant la guerre en Ukraine. La vive concurrence de l’Australie et de la Russie limitent toute envolée des cours. Toutefois, les céréaliers européens craignent de produire à perte cette année.

Les prévisions optimistes du dernier rapport de l’USDA du 12 mai dernier éloignent, elles aussi, tout risque de spéculation si aucun accident climatique majeur ne survient.

La production mondiale de maïs (1 219 Mt ; +79 Mt sur un an) se rapprochera de son niveau de 2021, alors que l’Ukraine ne récolterait que 22 Mt (-14 Mt par rapport à la moyenne 2017-2021). Et la production mondiale de blé (790 Mt) sera équilibrée.

Autrement dit, les marchés mondiaux seront approvisionnés pour fournir aux pays importateurs les quantités de grains nécessaires pour couvrir leurs besoins.

Mais surtout, le rééquilibrage de la production mondiale de grains à la faveur des pays déficitaires limitera leur dépendance vis-à-vis des pays exportateurs majeurs. Les échanges commerciaux de blé, d’orges et de maïs (440 Mt) ne croîtront en 2023-2024 que de 12 Mt.

Par ailleurs, l’Amérique du sud n’aurait plus à redouter la Niña (la production argentine de céréales se redresserait de près de 22 Mt). Et dans l’Union européenne, le spectre d’un nouvel épisode de sécheresse s’éloigne. Les 139 Mt de blé attendues l’été prochain permettraient d’exporter jusqu’à 38 Mt de grains vers les pays tiers, de quoi effacer la baisse de 5 Mt des exportations de l’Ukraine (10 Mt).

Mais le Maghreb n’en a pas fini avec la sécheresse. L’Algérie et le Maroc importeraient 16 Mt de blé et l’ensemble de l’Afrique du Nord 31,7 Mt, un record !