Le piégeage fait partie du bon modèle de gestion. Réguler les « Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts » (ESOD en langage administratif) est une louable activité. Seulement voilà : l’idéologie « animaliste » a pris une telle importance aujourd’hui qu’éliminer un animal, fût-il nuisible, est considéré comme un geste coupable. Les préfets font le dos rond et se soumettent devant les menaces de recours. C’est ce qu’explique fort bien Didier Lefèvre, président de l’Union nationale des associations de piégeurs agréés de France (Unapaf) dans une longue interview publiée dans la revue Connaissance de la chasse.

Rappelons les faits : dans les années 1978-1980, un arrêté instaure pour les piégeurs l’obligation de s’acquitter d’une formation spécialisée. L’idée est de mieux les former. Ces derniers se rassemblent alors au sein de l’Unapaf qui compte aujourd’hui 86 associations pour 19 107 cotisants.

Ils ne peuvent piéger que les animaux inscrits sur une liste fixée tous les trois ans par les préfets. Pendant quelques années, tout va bien. Tant du côté de la réglementation que du côté du matériel. « Nous avons pu importer des pièges d’Amérique du Nord et les faire homologuer. Cela nous a permis de sortir du traditionnel assommoir, piège à œuf ou piège à palette dentelé. L’arrivée de ces nouveaux engins a facilité le piégeage », dit Didier Lefèvre. On utilise aussi les cages pièges qui sont aujourd’hui à l’origine de la majorité des prises. Faciles à poser, elles sont très efficaces pour la régulation des corvidés.

Tous les piégeurs sont-ils « agréés » ? Non. Il existe aussi des piégeurs occasionnels, ceux qui, pour se débarrasser d’un renard trop entreprenant au poulailler, de ragondins fouisseurs de berge ou de fouines envahissantes, règlent le problème discrètement.

Le « tout sanglier » a fait un tort considérable

Mais si les piégeurs sont satisfaits du matériel, ils sont aujourd’hui submergés par les ravages de l’idéologie. La liste départementale est systématiquement attaquée devant le Conseil d’État. Résultat : de plus en plus d’espèces échappent au classement « nuisible ». La pie, par exemple, devient « de plus en plus difficile à classer ». Même pour l’étourneau, surabondant, « il faut se battre et argumenter », à un point tel qu’il n’est classé que dans la moitié du pays. La belette n’est plus classée partout.

Curieusement, l’image du piégeur reste assez bonne dans les zones périurbaines. Les maires et leurs élus font appel aux piégeurs quand ils ont des problèmes. « Ce sont les premiers à comprendre notre rôle d’utilité publique », dit Didier Lefèvre. Certains citadins n’aiment pas voir des renards rôder autour des balançoires et ils n’apprécient guère les ragondins. Dans « ragondin » ils entendent « ra ». Et même sans « t » au bout, ils se méfient.

En revanche, à la campagne, rien ne va plus. « Le « tout sanglier » a fait un tort considérable au piégeage », dit Didier Lefèvre. On ne s’intéresse plus au petit gibier, ni à ses prédateurs. La plupart des sociétés de chasse axent leurs efforts sur la bête noire.

Il arrive même, dit-il encore, que certains chasseurs ne soutiennent plus les piégeurs préférant, par exemple, le tir de nuit du renard à sa capture avec des pièges.

Des situations absurdes

Une part de l’opinion est opposée à l’idée même de la régulation. On arrive à des situations absurdes. Ainsi 1 million d’euros a été consacré aux crapauds à ventre jaune en Moselle. Les piégeurs ont demandé que le putois – leur principal prédateur – soit inscrit sur la liste des animaux pouvant être piégés : refusé. La préservation du grand hamster en Alsace coûte des millions. On le réintroduit à grands frais. Putois et autres mustélidés le détruisent : on ne peut pas les piéger. Les amis des mustélidés ont proposé, sans rire, d’établir des clôtures électriques pour ceinturer la zone « sensible » (7 à 9 communes).

D’autres s’offusquent du classement en ESOD du raton laveur. « Comme la pomme de terre, disent-ils, il faut lui laisser sa chance ! » Didier Lefèvre voit la chose avec philosophie : « j’attends avec impatience l’arrivée du raton laveur sur tout le territoire. Il est capable de rentrer dans les maisons pour se servir. Cela promet de bons moments ! »

Il y a plus amusant encore : certaines espèces classées « exotiques et envahissantes » ne sont pas piégeables. Donc, si on capture un vison d’Amérique, on ne peut ni le tuer (parce qu’il est protégé) … Ni le relâcher ( parce qu’il est indésirable) !

Une liste des animaux classés qui se réduit comme peau de chagrin, une opinion publique parfois chauffée à blanc, des formalités administratives compliquées, dur, dur d’être piégeur !

Est-ce que le métier rapporte ? « J’aimerais bien, mais personne chez nous ne pratique pour l’argent. L’Unapaf est animée par une dizaine de personnes de bonne volonté et nous avons un juriste que nous sollicitons à la demande ».

Pour faire appel à un piégeur, rien de plus simple. Il suffit de contacter un membre de l’association. Vous trouverez la liste des associations départementales sur le site internet de l’Unapaf.

En le faisant intervenir, on fait d’une pierre deux coups : on améliore les capacités cynégétiques du territoire et on donne un coup de pouce à une activité menacée. Ne nous en privons pas !