La féculerie d’Haussimont (Marne) est en train de vivre sa dernière campagne. C’est ce qu’a annoncé le groupe Tereos à ses coopérateurs, dans un courrier daté du 20 juin, alors que ceux-ci font les choix des assolements pour la récolte 2024.

Malgré les efforts pour redresser la situation et un investissement de 30 millions d’euros dans l’usine au cours des 5 dernières années, Tereos fait le constat que les conditions permettant la compétitivité des activités de transformation de la pomme de terre de fécule ne sont plus réunies.

Le site d’Haussimont a fait face à une érosion constante des surfaces de pommes de terre (-38 % en 4 ans). Pour les 390 opérateurs qui produisent actuellement de la pomme de terre de fécule, le rendement à l’hectare a chuté de 30 % entre la campagne 2017 et celle de 2022. Cette perte de potentiel de rendement de 15 t/ha en 5 ans explique en grande partie l’érosion des surfaces, selon les responsables de la coopérative. Une perte de rendement que Tereos a tenté de compenser en s’engageant à verser une rémunération (hors prime et indemnité de campagne) de 105 €/t à 17 % pour la campagne 2023-2024.

Risques liés à l’approvisionnement

L’activité féculière constituait un foyer de pertes pour le groupe sucrier. Le 8 mars dernier, Tereos avait donc annoncé rechercher un acquéreur pour assurer « l’activité industrielle économique et sociale du site ». Aujourd’hui, le groupe indique avoir a reçu plusieurs marques d’intérêt. Pour autant, aucun projet engageant n’a été formalisé à ce jour, notamment à cause de la faible marge d’activité et des risques liés à l’approvisionnement. « Après analyse, Tereos considère que les chances de concrétisation d’un projet de cession de l’activité à court ou moyen terme sont limitées au regard des défis à relever », écrivent Gérard Clay et Benoît Lhote, respectivement président du conseil d’administration de Tereos et président de la commission pomme de terre fécule, dans leur lettre aux coopérateurs. Et de poursuivre : « un projet de fermeture du site doit être envisagé à l’issue de la campagne 2023/24 ».

L’usine assurera la campagne qui débutera en septembre prochain, et Tereos accepte dans ces circonstances de mettre un terme par anticipation aux engagements coopératifs à l’issue de la campagne 2023-2024.

Un coup dur pour le secteur féculier national

L’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) a immédiatement réagi à ce projet de fermeture, d’autant qu’il ne resterait donc plus qu’une seule féculerie en France : l’usine de Vecquemont (Somme) du groupe Roquette.

« C’est une page de l’histoire agricole française qui se tourne et un coup dur pour le secteur féculier national », indique l’UNPT dans un communiqué. Selon le syndicat agricole, cette annonce sonne de nouveau l’alarme auprès des pouvoirs publics, mais aussi de l’opinion publique, sur les conséquences directes liées au changement climatique qui impactent de plus en plus durement les rendements des cultures de printemps comme celle de la pomme de terre. « La féculerie d’Haussimont devient le symbole de cette urgence totale à réarmer l’agriculture française dans le but d’affirmer sa capacité de production et de maintenir les appareils de transformation en France. »

L’UNPT indique aussi poursuivre « son dialogue en proximité avec le ministère de l’Agriculture sur le déblocage d’une aide directe exceptionnelle pour soutenir le secteur féculier au niveau national, espérée le plus rapidement possible. »