On en compterait aujourd’hui 1 100 et les effectifs continuent à progresser. Le loup s’installe à peu près partout et pousse des pointes jusqu’aux massifs forestiers de l’Île-de-France. Le nouveau plan d’action 2024-2029 n’a pas été du goût des associations animalistes (FNE, Ferus, LPO, Aapas, WWF) qui ont claqué la porte. Pour elles, l’animal sauvage doit l’emporter sur l’animal domestique. Le loup est et restera une chance pour la France. Les organisations agricoles ne sont pas elles non plus enthousiastes. Certes, elles considèrent comme positif le fait de laisser aux éleveurs la possibilité de se défendre plus efficacement, mais elles auraient aimé que l’on aille plus loin et que le loup perde son statut d’espèce protégée. En attendant, dès la première attaque sur un troupeau, deux voire trois tireurs pourront éliminer l’animal. Un seul était autorisé jusque-là. Des lunettes thermiques seront mises à disposition par les préfectures et les louvetiers rapidement déployés sur le terrain. En revanche, malgré la requête en ce sens de la Confédération paysanne, le territoire national ne sera pas classé en « cercle 3 », synonyme de zone où le loup est capable de faire souche.

Merci Dolly !

Il faut bien comprendre que – sur ce dossier comme sur tant d’autres – la France est paralysée par l’Europe. Le droit supranational l’emporte sur notre législation. Et comme le loup est protégé par la convention de Berne, nos possibilités d’action sont limitées.

Toutefois, les choses pourraient bouger. À cause d’un poney nommé Dolly (comme la brebis clonée en 1996 au Royaume-Uni). C’était un gentil petit cheval qui gambadait dans le jardin d’une grand-mère attentionnée quand, en septembre 2022, un loup l’égorgea. Un incident comme il s’en produit des milliers chaque année dans les parcs à moutons mais, cette fois, c’était différent. Le poney appartenait en effet à Madame Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Jusque-là Mme von der Leyen était une avocate du loup et enterrait volontiers tous les rapports que lui envoyaient les éleveurs français. Mais la disparition de son poney émut beaucoup ses petits-enfants et, « charité bien ordonnée commençant par soi-même », la présidente commença à s’intéresser au statut du prédateur. Elle fit tant et si bien qu’aujourd’hui, celui-ci pourrait être reconsidéré. En tout cas, c’est ce qu’elle souhaite. Certes, il faudra sans doute passer par des commissions et des débats, mais quand la présidente veut quelque chose, en général elle l’obtient.

10 000 attaques sur l’homme en 250 ans

Au moment où le loup s’installe un peu partout, une question taraude l’opinion : l’animal est-il dangereux pour l’homme ? Dans le journal « Sud-Ouest » l’historien Jean-Marc Moriceau, auteur d’une vaste enquête sur le sujet, apporte des éléments de réponse. « Mon travail d’historien, dit-il, m’a permis de recenser 10 000 attaques au cours d’une période allant de 1580 à la moitié du XIXème siècle, soit en à peine deux cent cinquante ans. C’est considérable, et seulement une partie de l’iceberg, puisque tous les cas n’ont évidemment pas été documentés ». Parmi les cas survenus avant l’extinction de l’animal, il évoque l’épisode d’une bergère dévorée sur le plateau de Lannemezan en 1840. En ce qui concerne les risques aujourd’hui, il ne les estime pas « nuls » mais peu probables compte tenu du fait que les enfants vont à l’école et ne gardent plus les troupeaux. Il regrette toutefois que la pédagogie actuelle présente le loup comme une gentille peluche. Le loup, dit-il, n’est « ni gentil ni méchant ». Il vit sa vie de loup, attaque des proies faciles et n’a aucune considération morale. Jean-Marc Moriceau ajoute : « cet animal fascinant est chez nous l’emblème de la biodiversité mais la biodiversité, c’est aussi avoir des moutons qui pâturent en montagne ». À vouloir employer la manière forte, risquerait-on d’éteindre à nouveau l’espèce ? Réponse : « ne trompons pas les gens : à l’échelle mondiale, et même en Europe, le loup n’a rien d’une espèce menacée ».

Rappelons que ce sont les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur qui sont les plus touchées : 10 000 sur les 12 500 têtes de bétail victimes du loup en 2022.

La balle est donc dans le camp de l’Europe. Déclassera-t-on un jour un animal qui n’a plus aucune raison d’être protégé ? Nous avons vu que Madame von der Leyen, après avoir été personnellement concernée, semble favorable à une modification de la réglementation européenne. Si elle va au bout, les éleveurs auront sans doute une pensée émue pour Dolly dont la disparition tragique aura été déterminante …