La France a besoin de pommes de terre et de planteurs pour les cultiver. Trois nouvelles usines vont produire des frites dans les prochains mois. Et pour être approvisionnées, elles devront proposer des contrats rémunérateurs à des centaines de producteurs, afin de cultiver les dizaines de milliers d’hectares nécessaires.

Cet hiver, les négociations entre les planteurs et les industriels pour la prochaine campagne 2024-2025 ne laissent aucune place à l’ambiguïté. Les agriculteurs comptent sur des augmentations substantielles de prix, pour les motiver à cultiver davantage de pommes de terre dès cette année.

Depuis quelques jours, les adhérents du Gappi, le Groupement d’agriculteurs producteurs de pommes de terre pour l’industriel McCain, sont soulagés. Après plusieurs rencontres, les différentes parties sont parvenues à un accord.

Le groupement a validé la proposition de l’industriel de revaloriser, en 2024-2025, le prix de base de la pomme de terre de 9 €/t à 30 €/t selon la période de livraison et de doubler la prime de qualité allouée aux livreurs exclusifs.

« Au vu de la proposition, les producteurs de McCain ont retrouvé une place de leader pour valoriser les productions de pommes de terre de leurs adhérents », a déclaré Bertrand Achte, président du Gappi.

Pour le groupement, la revalorisation de la grille tarifaire devait au moins couvrir l’augmentation des prix des plants de pommes de terre que l’industriel leur livrera et leur facturera.

« Or, si le coût d’ensemencement se situe entre 400 € et 600 € par hectare de plus que l’an passé, chaque tonne de pommes de terre contractualisée devrait au moins être payée 10 € de plus », explique Bertrand Achte.

Le Gappi a aussi négocié une hausse des prix pour compenser l’augmentation des charges salariales, auxquelles les planteurs n’échappent pas (le smic a crû de 14 % en trois ans).

« Mais lors des négociations pour 2024-2025, les industriels nous avaient fait savoir qu’ils étaient prêts à mieux rémunérer le stockage de pommes de terre, rapporte Bertrand Achte. Ils ont besoin de tubercules de bonne qualité durant toute la campagne de transformation ». Sur ce point, un terrain d’entente a été trouvé, puisque le prix payé de la tonne de pommes de terre croîtra en fonction de la durée de stockage.

Contexte mitigé

La conjoncture céréalière rend la culture contractualisée de pommes de terre économiquement plus intéressante que celle de blé ou de maïs. Mais les prix sur le marché libre sont plus élevés que ceux des contrats. À l’export, les tubercules se vendent même 100 € de plus la tonne contractualisée.

Par ailleurs, produire des légumes plein champ, du lin textile ou des betteraves sucrières paie plus, alors que la mise de fonds pour implanter ces cultures est bien moins élevée.

Avant même de stocker le premier kilogramme de pommes de terre récolté, un planteur avance entre 6 000 € et 8 000 € de trésorerie par hectare pour les cultiver : 2 800 € de plans, (+ 800 € en deux ans), 1 000 € de fertilisation, 1 000 € de récolte.

Les producteurs s’attendent à payer encore plus cher leurs plants dans les prochaines années.

L’ensemble des acteurs de la filière pommes de terre éprouve un certain sentiment d’impuissance pour enrayer le déclin européen de la production de plants. Aucun pays n’est épargné !

Or, il est impossible d’imaginer l’extension de la filière et le recrutement de nouveaux planteurs pour approvisionner les nouvelles usines, sans avoir au préalable sécurisé leur approvisionnement en plants.

Proposer des prix plus élevés aux producteurs de plants serait une partie de la solution pour enrayer le déclin de la filière. Les plants se vendent, du reste, bien plus cher qu’il y a trois ans, jusqu’à 2 000 € la tonne.

Mais le manque de transparence sur la répartition de la valeur tout long de la chaîne de production et de commercialisation ne permet pas de savoir à qui profitent réellement les hausses de prix des plants commercialisés (jusqu’à 800 € par tonne). Les planteurs de plants voient une partie de la valeur de leurs produits leur échapper. Et ce manque de transparence dessert toute la filière !