Va-t-on assister à une grande migration des cultures d’ici 2050 ? On peut légitimement se poser la question quand on voit que le changement climatique a déjà modifié le paysage agricole français. Quelles espèces et quelles variétés devra-t-on implanter ? Et surtout quels sont les risques qui pèsent sur les différentes cultures ? Toutes ces questions peuvent être maintenant modélisées par la plateforme digitale Altitude Agriculture lancée au Salon de l’agriculture par Axa Climate. La filiale de l’assureur, dédiée à l’adaptation climatique et environnementale, a pour ambition de quantifier l’impact du changement climatique sur les productions agricoles à horizon 2030 et 2050.

Pour réaliser ses projections, Axa Climate travaille sur la base des données climatiques du Giec et élabore des indicateurs de vulnérabilité propres à chaque culture, en partenariat avec les experts des différentes filières agricoles, en l’occurrence les légumes transformés et les semences. Les points forts de ce modèle sont le maillage très fin et la prospective sur plusieurs années. « On a fait des connexions entre les modélisations climatiques et l’agronomie à l’échelle de quelques kilomètres », résume Antoine Denoix, Pdg d’Axa Climate.

Le petit pois a migré vers la côte

Une des premières filières à avoir compris l’importance de cet outil est la production de légume de conserve. En 2021, après plusieurs campagnes de pois en-dessous des objectifs de production, l’OP-L-Vert – l’organisation de producteurs de légumes transformés de Picardie (750 producteurs et 14 000 ha) – et l’industriel Bonduelle ont sollicité Axa Climate pour identifier les leviers d’adaptation à mettre en place.

« Il y a eu une bascule très forte dans les Hauts-de-France depuis les années 2014-2015. Pendant 4 années consécutives, nous n’arrivions pas à atteindre nos objectifs de quantité et de qualité avec les mêmes producteurs, des gammes variétales et des mises en culture constantes », explique Arnaud Bardon Debats, directeur de la performance agronomique du groupe Bonduelle.

Marcel Lejosne, producteur de légumes pour l’industrie note également : « depuis une dizaine d’années, on constate une décroissance significative des rendements en petit pois et une plus grande variabilité. La température est le premier facteur que nous avons recherché avec Axa Climate. La connaissance des degrés-jour permet de choisir les meilleures zones pour implanter des pois précoces ou tardifs, afin d’optimiser les calendriers de production des usines ».

Cette étude a notamment permis de projeter les évolutions climatiques d’une zone à l’autre, à horizon 2030 et 2050 ; et de lancer des initiatives d’adaptation, notamment en décalant les périodes de production. « Le barycentre de la culture du petit pois a migré vers la côte et nous sommes en réflexion pour semer des petits pois à l’automne afin de les récolter au printemps », indique Arnaud Bardon Debats. « Nous allons adapter les variétés, les dates de semis et choisir les meilleures zones pour produire demain », ajoute Marcel Lejosne.

60 % des surfaces soumises à un risque fort d’ici 2050

Autre exemple, l’interprofession des semences Semae réfléchit, à une large échelle, au positionnement des zones géographiques des multiplications de semences.

Une étude co-réalisée par Axa Climate et Semae a mesuré l’impact du changement climatique sur la production de semences de 18 espèces, dont les semences de betteraves.

Un enjeu crucial pour la France, qui est le 1er producteur européen (393 000 ha) et le 1er exportateur mondial de semences. Selon l’étude, 60 % des surfaces actuellement dédiées à la production de semences seront soumises à un risque fort ou extrême d’ici 2050, contre 27 % aujourd’hui. Plus problématique encore pour les agriculteurs multiplicateurs : 10 % de cette surface ne pourra plus être cultivée avec les mêmes espèces qu’actuellement !

A contrario, « il y aura aussi peut-être des nouvelles zones qui pourront produire des semences », estime Franck Prunus, directeur des services à la filière chez Semae.

En été, les températures approcheront des extrêmes historiques. La pluviométrie devrait s’intensifier l’hiver mais diminuer fortement l’été, notamment dans le Sud-Ouest où l’on multiplie la majorité des semences de betteraves. Pour toutes les cultures, des stratégies d’adaptation spécifiques devront être prises : choix de variétés plus résilientes, décalage des dates de semis, amélioration de la qualité des sols, optimisation de l’irrigation… Pour Axa Climate, rendre les cultures plus résilientes est aussi une manière de les rendre plus assurables !

On peut se projeter dans l’avenir

Éric Legras, président de l’organisation de producteurs OP-L-Vert

LegrasEric.jpeg

« La démarche commencée en 2020 avec Axa Climate, en co-construction avec Bonduelle, permet d’améliorer notre production pour être plus régulier et plus résilient. La mission de l’OP-L-Vert est de fournir un plan de semis performant, pour approvisionner les usines de Bonduelle. Nous travaillons sur des zones pédoclimatiques cohérentes, avec des mailles de 15 km, sur lesquelles nous avons des données climatiques précises. On peut faire varier tous les paramètres et ainsi se projeter dans l’avenir pour implanter les cultures ».