Betteravier à Croissy-sur-Celle dans l’Oise, Christophe Parmentier pratique le semis direct (SD) depuis son installation en 2007. Il reprend alors la moitié de l’exploitation familiale. Après plusieurs années comme conseiller agricole, cette technique lui semble une évidence.

Moins de dépense en fuel, plus de rapidité dans le travail, une terre plus riche en vie biologique… Sur l’autre moitié de la ferme, conservée par sa mère, le jeune agriculteur continue la technique « classique ». Soit un labour pour les cultures de printemps et trois déchaumages suivis d’un semis avec rotative pour les cultures d’hiver.

« Comme j’ai 65 parcelles sur les 215 hectares au total, j’ai pu facilement comparer les deux techniques », positive-t-il. Et ce dans tous types de sol. Limon-sableux dans la vallée, argile à silex dans les coteaux, limons-argileux sur les hauteurs, sans oublier les cranettes et les limons-battants à 10 km. Les teneurs en matière organique de cette ancienne ferme laitière sont bons (4 % dans les craies et 2 à 2,5 % ailleurs).

Des performances identiques

« Globalement, j’obtiens des rendements identiques dans les deux systèmes (92q/ha en blé et 96 q/ha en escourgeon de moyenne olympique). En bonnes terres, je n’améliore pas les performances en semi direct. Il est plus facile de déplafonner les rendements sur les terres à faible potentiel ou difficiles à travailler (craie ou bief). J’ai même obtenu un record de 112 quintaux sur une cranette », se félicite l’agriculteur.

En revanche, ses rendements en orge de printemps restent inférieurs en SD (moins 20 %), explicable par un démarrage lent. Les pois de printemps, implantés derrière un mélange avec du radis chinois Structurator, se comportent assez bien en SD, contrairement aux féveroles, plus lentes au démarrage.

En colza, à cause de zones de salissement en brome, l’agriculteur a opté quelques années pour un semis direct au strip till avec engrais incorporé. Aujourd’hui, il utilise un semoir monograine après deux passages de cultivateurs à dents ou à disques très superficiels (quelques centimètres).

Christophe sème son blé en direct dans les repousses des pois de printemps et des féveroles. Après colza, il l’implantait en direct dans les repousses. Mais rapidement, des problèmes de mulots sont apparus.

« Je passe dorénavant un cultivateur à disque à 4 cm, à 20 km/h juste après la moisson, suivi d’un roulage. Cela les dérange et j’ai beaucoup moins de mulots », affirme-t-il. Quant aux blés sur blés, ils sont semés dans un couvert légumineuses/crucifères, avec enlèvement des pailles, voire un labour.

Retour ponctuel de la charrue

En 2016, lorsque l’exploitant reprend la seconde partie de l’exploitation, il cultive toute la surface en semis direct, sauf les betteraves. Mais plusieurs facteurs l’amènent à évoluer.

« En SD, je termine mes semis de blé au 5 octobre », précise-t-il. Un impératif, le semis direct se réalisant toujours en temps sec. Pour les semis du dernier blé de betteraves, je louais parfois la charrue du voisin, gardant toujours la performance en ligne de mire. »

Autre souci : l’interdiction du Gaucho accroît le risque pucerons sur céréales. L’agriculteur ne veut pas tenter de décaler la date de semis direct pour le diminuer. Et, après 12 ans de SD, à partir de 2019, il est confronté à des salissements en graminées, notamment des ray-grass envahissant les fourrières. Ce qu’il explique par la résistance aux herbicides foliaires et une moindre efficacité des racinaires dans les mulchs épais.

Enfin, seul sur son exploitation, l’agriculteur ne peut semer tous ses couverts « au cul de la moiss-batt ». Or, des couverts peu développés pénalisent les rendements suivants en SD.

L’agriculteur a donc racheté une charrue 5 corps en 2024. Objectif : labourer dans les situations délicates, notamment avant les derniers semis d’hiver et les cultures de printemps. Soit près de 50 ha/an. « Une adaptation réalisée pour garder des champs propres, et non pour des raisons de baisse de performance », assure-t-il.

Les betteraves, une place à part

Le planteur apprécie la culture des betteraves qu’il a développée, passant de 7 à 25 ha. Au départ, il les semait avec un strip till dans un couvert avoine/féverole/ radis, préalablement roulé fin décembre et traité au glyphosate. « En année sèche, elles poussaient plus vite qu’en technique labour, constate-t-il. En revanche, en année humide, elles démarraient plus lentement ».

En 2018, seul sur ses 215 hectares, il ne pouvait assumer tout le travail. Il choisit de faire appel à une ETA pour le semis des betteraves. « J’ai aussi choisi de labourer avant leur implantation. Les betteraves sont un atout pour la lutte contre le salissement, notamment pour les graminées ».

Cet expérimentateur passionné teste cette année l’utilisation d’un répulsif pour pucerons avec la société Agriodor, rencontrée à Betteravenir. « J’aime faire évoluer mes techniques. Je reste ouvert et ne m’interdis rien. Réutiliser la charrue une année sur six ne m’ennuie pas.

La recherche de la performance agronomique et économique guide mes choix. Le semis direct reste vraiment intéressant, surtout pour diminuer les dépenses en carburant et le temps de travail ». Il observe aussi une amélioration de la vie souterraine, notamment des vers de terre.

Avec des responsabilités à l’extérieur (Président d’un groupe de développement agricole, adjoint au maire), le pionner du semis direct sait en garder les atouts, sans s’enfermer dans une doctrine. « Je suis un opportuniste du semis direct », conclut-il.