« Aujourd’hui, nous trouvons des solutions pour lutter contre les ravageurs, mais elles ne suffisent pas à elles seules, explique Jean-Jacques Pons, vice-président de Phytéis, en charge de l’approche combinatoire. Si une culture doit adopter une approche combinatoire, c’est bien la betterave ». En effet, comme beaucoup de grandes cultures, la betterave sucrière est confrontée en France à une augmentation de la pression des bio-agresseurs, couplée à une disparition de plusieurs molécules. Cette situation menace les rendements et la rentabilité des exploitations.
Mais qu’est-ce qu’exactement « l’approche combinatoire » ? C’est l’idée selon laquelle il faut combiner les différentes solutions pour résoudre un problème, sachant qu’aucune de ces solutions ne peut le résoudre à elle seule. Par exemple Cédric Royer, référent protection de la culture à l’ITB rappelle que, dans le cas de la cercosporiose, il est essentiel de choisir une variété tolérante à la maladie, les bons produits (y compris le produit Airone SC à base de cuivre en complément en cas de dérogation 120 jours), et de les appliquer au bon moment, grâce notamment aux OAD.
L’ingénieur de l’ITB déplore que les fongicides à base de strobilurines, longtemps utilisés contre la cercosporiose, ne sont plus efficaces, accentuant la pression sur la culture. Parallèlement, les nouvelles solutions doivent composer avec des contraintes réglementaires strictes en France, mais aussi en Europe, ralentissant les innovations et les homologations.
La situation est encore plus compliquée en ce qui concerne la lutte contre la jaunisse. « Après trois ans de recherche, nous n’avons pas encore de solution totalement efficace », rappelle Alain Carré, betteravier et président de l’interprofession betterave sucre (AIBS). Et cette absence maintient une incertitude sur la viabilité à long terme de la filière, complète Alexis Hache, également betteravier et président de l’ITB. Par ailleurs, la rentabilité des solutions à l’étude est aussi un frein à leur développement : « par exemple, un lâcher de chrysopes coûte environ 220 euros par hectare », précise-t-il. Un investissement difficilement justifiable en l’absence de garanties de rendement : « s’il n’y a pas de rentabilité, il n’y aura pas d’adoption des nouvelles méthodes. Il faut trouver un équilibre entre rentabilité économique, durabilité environnementale et faisabilité technique ».
Les pouvoirs publics ont toutes les clés en mains
« Nous avons besoin de variétés tolérantes et résistantes », rappelle Alain Carré. Pour cela, les nouvelles technologies, comme les NBT (New Breeding Techniques), sont indispensables, précise-t-il, en rappelant qu’il faut également accélérer les procédures d’homologation des produits phytosanitaires pour ne pas freiner l’innovation. Et pour Jean-Jacques Pons, force est de constater que l’innovation est en baisse en raison d’une réglementation plus stricte en France et en Europe. Le coût de la recherche augmente, ce qui limite le développement de nouvelles molécules. « Nous devons produire de manière plus durable tout en restant compétitifs », rappelle-t-il.
Et Alexis Hache complète : « nous avons besoin de solutions compétitives par rapport à nos voisins européens », mais aussi face aux accords de libre-échange avec les pays du Mercosur et l’Ukraine, qui menacent la filière sucrière française.