Maxime Duchène
Maxime Duchène observe avec satisfaction les 3 200 noisetiers de son verger de 8 hectares. « Seule une dizaine n’a pas repris sur la plantation effectuée en janvier 2024 », s’enthousiasme l’agriculteur. À 58 ans, l’exploitant de Froyère est heureux de réaliser une culture au temps long. Les noiseraies devraient produire pendant 40 ans.
Cette diversification est aussi vécue comme un nouveau challenge, dans une exploitation très organisée. Le planteur gère sa ferme avec un voisin en assolement en commun. Soit 720 hectares cultivés au total avec ses 3 salariés et depuis peu son fils. « Cette mutualisation me permet d’avoir des rotations longues et donc d’optimiser les rendements. Les effets sont significatifs pour les résultats en betteraves avec une rotation moyenne de 7,5 ans. Les économies d’échelle réalisées nous aident à une meilleure maîtrise des charges de structure », explique le planteur.
Un marché déficitaire
L’exemple d’un voisin qui a planté des noisetiers pour Noxi, entreprise située à Rouvres (77), l’a décidé. Noxi recherche des nuciculteurs sur des parcelles de 8 hectares dans la Seine-et-Marne et l’Oise. Son dirigeant, qui cultive lui-même 40 ha de noisetiers, récolte, transforme et commercialise ses noisettes et ceux d’une vingtaine d’agriculteurs.
« Le marché français des noisettes reste très déficitaire », explique Maxime Duchène. La Turquie produit 70 % de la production mondiale, soit un million de tonnes. Mais ses rendements, en baisse, restent aléatoires. L’Italie arrive loin derrière. Avec 8 000 ha en France, la production nationale peine à atteindre 17 000 tonnes. Elle ne répond pas à la demande, essentiellement tournée vers la pâte à tartiner.
Reste que se lancer dans une production qui dure 40 ans, sans prix garanti, demeure un pari. « Il est difficile d’estimer ce qui peut se passer pour une culture si longue », reconnaît le planteur. Les prix atteignent 1,80 €/kg aujourd’hui. Le noisetier produit au bout de 3 ou 4 ans. Il atteint la pleine production vers la septième année, avec ensuite une production espérée de 3 t/ha. « L’investissement pour la plantation revient à près de 5 000 €/ha, une somme importante mais amortissable sur une longue période », temporise le nouveau nuciculteur.
Comme un terrain de golf
Noxi réalise la plantation avec des variétés adaptées. L’agriculteur a labouré, fait un passage de herse rotative puis a raffermi le lit de semences avec un outil de préparation de sol Combigerm. Obtenir un sol parfaitement nivelé s’avère indispensable pour optimiser la récolte mécanique. L’inter-rang de 6 mètres se soigne comme un terrain de golf, avec un gazon irréprochable. L’espace sur le rang entre les arbres se désherbe chimiquement. Maxime Duchène a installé une rampe de pulvérisation sur une cuve, unique investissement matériel pour le moment.
Les deux premières années sont les plus exigeantes en temps. Il faut tailler, épointer le bout, éliminer les rejets pour assurer la bonne conformation de l’arbre. Adulte, celui-ci ne dépassera pas six mètres de haut. Autre nécessité : la protection des troncs contre les lièvres. Sans oublier la clôture du verger, pour éviter les dégâts de sangliers et de cervidés qui pourraient brouter les jeunes plants. Les années suivantes, il faut continuer à désherber l’inter-rang (un arbre tous les quatre mètres) et garder un gazon parfait. « Si cela est indispensable, nous avons la possibilité d’irriguer par aspersion », détaille l’exploitant qui n’exclut pas de passer au goutte-à-goutte dans le futur.
Une culture très mécanisée
La culture des noisettes est l’une des plus mécanisées des productions arboricoles. La récolte se fera avec une machine d’une CUMA. Elle balaye le sol et aspire les noisettes tombées naturellement. « La présence de plusieurs nuciculteurs proches géographiquement constitue un atout », se réjouit le planteur. Pour l’accompagnement technique, il peut compter sur Noxi et son groupe WhatsApp rassemblant tous les nuciculteurs. Son technicien de coopérative céréalière s’est aussi pris au jeu. « C’est un espace où nous nous sentons bien. Le challenge motive aussi mes salariés. Cela donne une cohésion et une image très positive de notre exploitation ».
Si l’agriculteur n’a pour l’instant pas eu besoin de protection phytosanitaire, il espère que des solutions techniques existeront face aux attaques éventuelles des bioagresseurs (La filière noisette, comme la filière betterave, demande la possibilité d’utiliser l’acétamipride face attaques de balanins et de punaises diaboliques, voir BF 1 201 p 4).
Maxime Duchène apprécie les retours positifs de ses voisins. Même satisfaction pour Augustin, son fils qui vient de terminer ses études d’ingénieur en agriculture à UniLasalle-Beauvais et est en cours d’installation. « Outre l’aspect financier de cette diversification, son orientation environnementale apporte un plus pour l’exploitation. Que ce soit pour l’amélioration de la biodiversité ou celle de son bilan carbone ».