« C’est un peu le bulletin de santé de la coopération agricole », déclare François Macé, président de la section économique et financière du HCCA en présentant les éléments de l’Observatoire économique et financier. Il s’agit de données uniques en Europe pour analyser leurs performances financières à travers des indicateurs tels que le chiffre d’affaires, l’Ebitda et le niveau des fonds propres. Cet observatoire traite les comptes de 135 coopératives céréalières, qui représentent 65,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 55 % du chiffre global de la coopération agricole.
La coopérative céréalière française moyenne a un chiffre d’affaires de 487 M€, qui reflète la forte concentration et une montée en puissance des coopératives de « grande taille » au fil du temps. « La coopération représente plus des trois-quarts de la collecte des céréales. Un certain nombre de négociants ayant cessé leur activité ont très souvent été repris par une coopérative », explique François Macé.
Si le modèle coopératif est omniprésent dans le paysage céréalier français, l’observatoire permet aussi de pointer ses faiblesses, notamment face aux chocs économiques et aux défis posés par le niveau des investissements.
« Avec neuf années d’historique, nous avons une bonne vision de l’évolution des coopératives. Au fil du temps, nous voyons que le rôle d’amortisseur de crises, qu’elles soient géopolitiques ou climatiques, a sensiblement affaibli les situations financières alors que les coopératives ont malgré tout maintenu un bon niveau d’investissements », explique François Macé.
Chute de la rentabilité opérationnelle pour les petites coops
La rentabilité opérationnelle est en légère progression pour les 28 coopératives ayant un chiffre d’affaires entre 100 et 500 M€ (CA moyen 234 M€) et les 24 coopératives de plus de 500 M€ de chiffres d’affaires (CA moyen 2,4 milliards €). « Leur marge d’Ebitda est relativement stable depuis 2020, c’est un élément rassurant », estime François Macé. En revanche, les 83 coopératives de moins de 100 M€ de chiffre d’affaires (CA moyen 25 M€) souffrent. Leur marge d’Ebitda se dégrade de façon très sensible de 3,08 % à 2,44 % entre 2022 et 2023. Cette diminution du taux reflète une pression accumulée sur leurs coûts fixes et leur capacité limitée à répercuter les hausses des intrants sur leurs prix de vente « avec un impact particulier de crise sur les petites coopératives spécialisées en bio surreprésentées dans cette catégorie », note le HCCA.
Endettement maîtrisé
Mis à part les petites coopératives, la gestion de l’endettement reste maîtrisée. Certes, les plus grandes structures sont les plus endettées, mais elles génèrent aussi le plus de rentabilité. Cela montre bien le poids de la rentabilité des capitaux investis en première ou deuxième transformation par rapport aux petites coopératives, qui sont restées uniquement sur les activités de collecte.
Manque de fonds propres
Le ratio d’autonomie financière (fonds propres / total bilan) se dégrade, puisqu’il est passé de 32 % à 28 % entre 2018 et 2023. « On voit bien que les coopératives sont plus fréquemment mises à contribution pour amortir les crises qui touchent leurs adhérents. En contrepartie, elles pénalisent leurs structures financières. Cette baisse des fonds propres est problématique au regard du volume colossal d’investissement nécessaire pour assurer leur compétitivité. Cela risque d’accélérer encore les mouvements de rapprochement ou de fusion », pronostique François Macé.
Des performances financières en baisse
La baisse du ratio résultat net/chiffre d’affaires témoigne d’une fragilisation des performances financières des coopératives céréalières.
Les petites coopératives, qui font moins de 100 M€ de chiffre d’affaires, subissent une dégradation marquée de leurs ratios (courbe bleue). « L’exercice 2023-2024 a été particulièrement meurtrier, notamment avec les coops qui font des céréales biologiques », note François Macé.
Les coopératives ayant un chiffre d’affaires entre 100 et 500 M€ ont plutôt mieux résisté (courbe orange). Elles sont moins engagées dans la transformation, mais elles s’en sortent globalement plutôt mieux.
Les coopératives de grande taille (courbe grise) conservent un ratio légèrement positif, mais subissent un fort impact des coûts de fonctionnement et la concurrence internationale. Ce sont elles qui ont été les plus exposées au dumping de la Russie et qui ont perdu des marchés à l’export.
L’outil de production est largement amorti
Dans quasiment toutes les coopératives, les outils de production sont amortis à plus de 70 %. Elles sont donc peu armées pour lutter contre nos concurrents, qui ont investi massivement dans la performance de leurs outils et la logistique. Elles devront donc investir pour continuer à exporter des céréales de qualité.
Attirer les capitaux extérieurs
Le manque de fonds propres des coopératives a conduit la filière à rechercher des capitaux extérieurs à un coût raisonnable. Le HCCA travaille sur la création d’un fonds destiné à renforcer les capitaux à long terme. Il faut trouver les investisseurs qui acceptent d’investir dans les coopératives, par exemple via des certificats coopératifs d’investissement. Mais il faut pouvoir les intéresser, alors qu’ils n’ont pas de droit de vote. Une piste serait de lever des capitaux issus du plan France 2030.
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Retrouvez l’intégralité de « l’Observatoire Spécial Métiers du Grain ». https://www.hcca.coop/observatoires-economiques