Bien connue pour son travail sur les sujets agricoles et écologiques, Géraldine Woessner, a récemment publié « les illusionnistes », une enquête inédite sur les dérives de l’écologie politique. Elle sera l’une des invités de la conférence annuelle de la CGB Champagne-Bourgogne qui se tiendra le 2 septembre lors de la Foire de Châlons-en-Champagne (Marne). Pour le Betteravier, elle revient sur la proposition de loi (PPL) Contraintes qui a agité l’actualité politique ces derniers mois.

Quel regard portez-vous sur la PPL Contraintes et, plus précisément, sur son cheminement politique et les oppositions qu’elle suscite ?

C’est une petite loi qui était nécessaire parce que la loi d’orientation agricole évitait quand même beaucoup de sujets qui fâchent, sujets pourtant très attendus des agriculteurs. Ce qui me frappe, c’est qu’elle a fait l’objet d’une opposition radicale et violente alors qu’elle vise simplement à mettre la France au même niveau que ses voisins européens. Après les manifestations agricoles qu’on a connues depuis le début de l’année 2024, je pensais que la classe politique avait pris un peu de maturité par rapport à ces sujets et qu’elle aurait été capable d’en débattre de façon un peu plus apaisée, rationnelle et pragmatique. Mais je constate que ce n’est pas le cas. L’hystérie autour de l’acétamipride, appelé faussement néonicotinoïde tueur d’abeille, est vraiment révélatrice de la méconnaissance généralisée des enjeux agricoles et de santé publique. La classe politique en a fait un totem et je trouve cela dommage, car ça brouille la compréhension des enjeux. La polarisation extrême sur cette molécule est irrationnelle et surtout, c’est une négation des données scientifiques et des agences sanitaires. À mesure que le temps passe, on pourrait s’attendre à ce que les politiques apprennent. Mais c’est l’inverse qu’on observe : la polarisation va toujours de plus en plus loin.

Quelles sont les racines du courant de l’écologie politique auquel on fait face aujourd’hui ?

On voit émerger ce courant en France dans les années 70, dans le sillage des révolutions de Mao et de Che Guevara. C’est le courant post-soixante-huitard qui avait perdu ses luttes et qui s’en cherchait de nouvelles. Il se structure au début contre le nucléaire. Les premiers fondateurs sont à Fessenheim pour lutter contre la construction de la première centrale et se rassemblent ensuite sur le plateau du Larzac. Les amis de la terre traversent l’Atlantique et naissent en France en 1971, dans les locaux du centre de formation des journalistes d’ailleurs, marquant la naissance de ce courant dans l’hexagone. Mais il faut noter que le noyau dur est plus anti-croissance que pro-environnemental. Ils luttent contre le nucléaire, les OGM ou les pesticides parce qu’ils sont perçus comme les instruments d’une société capitaliste qu’ils souhaitent abattre. Comme ils vont perdre sur le terrain des urnes, le génie des différents mouvements de l’écologie politique va être de gagner sur le terrain des réformes sociétales en forçant le capitalisme à faire avec moins : moins d’énergie, d’électricité, d’eau, de pesticide, d’engrais… Ces mouvements sont dans le culte du moins.

Dans les années 2000, ils vont utiliser les nouveaux outils technologiques qui permettent la détection de molécules à des taux infimes, à l’état de trace, qu’ils vont utiliser pour faire peur à l’opinion publique. Quand on demandait aux gens d’aller vers le bio pour l’environnement, ça ne marchait pas. Quand on va leur dire que c’est parce qu’ils peuvent s’empoisonner, que c’est pour préserver leur santé, c’est là vraiment que ce courant décolle.

Ces mouvements se caractérisent par une démarche absolutiste et irrationnelle avec, notamment, un refus de la complexité, de la nuance et de la balance bénéfice/risque. Ils n’ont d’ailleurs aucune vocation à être constructive.

Maintenant, tout un pan de la population semble avoir acté le fait qu’on ne produirait plus en France et que finalement ce n’est pas grave. Il suffit d’importer et nous vivrons dans un jardin d’Eden absolument propre et préservé. Finalement, ils veulent externaliser l’ensemble des désagréments de la production à l’extérieur.

Auriez-vous un conseil à donner aux agriculteurs face à ces courants qui leur sont hostiles ?

Les agriculteurs devraient être beaucoup plus proactifs dans leur défense. Il faut par exemple porter plainte contre les acteurs qui utilisent la désinformation, désinformation qui a été omniprésente lors des débats sur la loi Duplomb. On a entendu des choses folles sans que les discours scientifiques ne puissent surnager. Il faut prendre conscience que la désinformation a gagné dans l’opinion publique et que la plupart des ONG impliquées sur ces questions ne visent pas l’intérêt général. Elles ne sont pas dans une démarche collective et constructive d’amélioration aux bénéfices communs, mais dans un combat anti-capitaliste. Il faut prendre conscience que l’agriculture est une cible facile et qu’il est très aisé de manipuler l’opinion avec la chimie et en jouant sur les peurs.

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Pour en savoir plus, rendez-vous le 2 septembre à Châlons-en-Champagne à l’a conférence annuelle de la CGB Champagne-Bourgogne (voir p 6).