Dans de nombreuses zones betteravières comme l’Île-de-France, la Champagne, le Nord ou une partie de la Normandie, le décalage d’environ 15 jours de la date de semis des blés à l’automne 2024 semble avoir porté ses fruits. « Globalement, les parcelles paraissent un peu plus propres que d’habitude », observe Ludovic Bonin, spécialiste du désherbage et de la lutte contre la verse chez Arvalis. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. D’une part, les conditions météo ont enfin permis de désherber, contrairement à l’automne 2023, trop humide. D’autre part, ce léger décalage du semis – parfois imposé par des récoltes plus tardives et par les pluies de début octobre 2024 – a réduit significativement la levée des adventices. « Nos essais montrent que cela fonctionne et quand les agriculteurs le constatent eux-mêmes, c’est encore mieux », ajoute-t-il.
Décaler les semis de blés dans les parcelles les plus sales
Selon Arvalis, ce levier agronomique permet une réduction de 50 à 60 % de la densité de levée des vulpins. « Passer de 200 à 100 pieds au mètre carré, cela change tout vis-à-vis du désherbage chimique », prévient l’expert.
Pour autant, la mise en œuvre de cette technique reste limitée : « même s’ils sont connus, les leviers agronomiques se heurtent à des contraintes d’organisation, de coûts ou à la crainte d’une baisse de rendement », observe Ludovic Bonin. En effet, un semis plus tardif peut faire perdre quelques quintaux, même si certaines variétés alternatives y sont bien adaptées. « Toutefois, une parcelle très sale, même bien implantée, posera toujours plus de problèmes qu’une parcelle semée avec un léger décalage », rappelle-t-il.
Dans ce contexte, Arvalis encourage les producteurs à cibler leurs parcelles les plus problématiques. « L’idée n’est pas de tout décaler, mais de choisir les zones les plus sales et de les semer en dernier. » Quant à l’écimage, technique nouvellement introduite dans les méthodes à combiner, il fait l’objet d’études, notamment pour évaluer la viabilité des graines d’épis coupés encore verts. « Cette méthode est à suivre, mais son usage reste limité », ajoute Ludovic Bonin.
Flufenacet : dernier sursis jusqu’en 2026
Du côté des herbicides, le flufenacet vit ses dernières campagnes. L’AMM sera retirée en décembre 2025, avec une possibilité d’achat jusqu’en juin 2026 et d’utilisation jusqu’à fin décembre 2026. « Il sera encore disponible à l’automne 2025, sans difficulté, mais, en 2026, ce sera certainement plus compliqué », prévient Ludovic Bonin.
En attendant, le flufenacet reste une base efficace dans les programmes contre le vulpin, souvent associé au chlortoluron. Pour ceux qui souhaitent amorcer une transition, Arvalis recommande des programmes de type Défi + Codix en prélevée, suivis d’un rattrapage au chlortoluron. « Pour l’instant, il n’existe pas de réel équivalent au flufenacet, surtout pour contrôler le vulpin », indique l’agronome.
Des nouveaux herbicides dès 2026
Côté innovations, les premières solutions arrivent. Dès l’automne 2026, Bayer devrait proposer une association d’aclonifène et de diflufenicanil (Aclo-duo). « En association avec Défi par exemple, il donne des résultats intéressants », explique Ludovic Bonin. Suivront d’autres spécialités, comme celle de BASF (à base de cinméthylin) ou de FMC (à base d’Isoflex), mais plutôt pour 2027. Au mode d’action racinaire, elles sont donc réservées pour des désherbages d’automne sur céréale. La première semble plus efficace sur vulpin, la seconde sur ray-grass même si toutes les deux agissent sur ces deux graminées.
Enfin, face aux dicotylédones, les programmes actuels restent globalement efficaces. Pour les flores printanières, le recours à des spécialités de printemps type Pixarro EC reste pertinent.
Ludovic Bonin insiste sur l’importance de ne pas attendre les nouvelles solutions herbicides pour repenser la stratégie de désherbage. D’autant qu’aucun herbicide ne peut prémunir du risque d’apparition de résistances. « Plus on intègre de leviers agronomiques dès maintenant, plus ces herbicides seront simples à gérer », insiste-t-il. Le décalage de semis, la rotation, le faux semis ou encore le labour restent toujours les piliers d’une stratégie de désherbage efficace et durable.
Le vulpin agit comme un relais dans la transmission de l’ergot du seigle aux céréales. Dans certaines zones, les seuils réglementaires sont dépassés. L’objectif est de bloquer le développement du champignon en amont grâce au désherbage. « Le risque de contamination par l’ergot est réel, observe Émile Benizri, professeur à l’école d’ingénieurs ENSAIA et expert en phytopathologie. Cela peut paraître surprenant, mais un désherbage efficace est nécessaire pour préserver les cultures des maladies fongiques et garantir la qualité des productions. Il est essentiel de rester vigilant et d’agir dès maintenant ».
À la coopérative Lorca, Constance Richard, responsable agronomique, explique la stratégie : « les systèmes de cultures et la gestion combinatoire du vulpin sont de plus en plus complexes à piloter. Il n’y a donc pas de réponse unique, mais une approche personnalisée et adaptée à chaque contexte parcellaire. »