Halte aux tassements en profondeur
Les machines de récolte de betteraves peuvent causer des tassements en profondeur lorsqu’elles interviennent en conditions particulièrement humides. La dégradation de l’état structural peut être préjudiciable avec des effets à long terme sur la vie biologique du sol (effets négatifs sur l’activité de la macrofaune, la circulation et la disponibilité en eau) et sur le développement des futures cultures de la rotation. D’autant plus que, localisés sous la profondeur de travail du sol, ces tassements sont particulièrement durables dans le temps. Seule l’action du climat et de la vie biologique du sol permettra de restructurer le sol en profondeur (processus qui dure entre 3 et 7 ans en fonction du type de sol). Le constat peut paraître alarmiste, d’autant qu’avec des campagnes d’arrachage longues de septembre à janvier, le risque d’intervenir en conditions humides est important. Toutefois, le risque de tassement en profondeur peut être considérablement réduit en agissant sur différents leviers au moment de la récolte. Ces conseils pratiques sont détaillés dans les vignettes ci-dessous.
Bien raisonner sa circulation
Avec des machines pouvant dépasser les huit tonnes de charge par roue, il est primordial de bien circuler avec le matériel impliqué dans la récolte des betteraves. Avec les bennes, pour rentrer au silo, le danger est de circuler de manière aléatoire après la vidange de l’intégrale. L’ITB recommande de définir des voies de circulation dédiées en choisissant d’emprunter les passages de pulvérisateurs par exemple (comme illustré sur le schéma), afin d’éviter des déformations de sols inutiles en surfaces et de limiter les tassements. Toutes les bennes doivent emprunter ces chemins prédéfinis et bien que le tassement superficiel (ornières) apparaisse plus marqué, les trains de bennes n’aggravent pas le tassement en profondeur. Ainsi, par la suite, il sera nécessaire de retravailler mécaniquement uniquement ces voies de circulation avec un décompacteur (intervenir avec la pointe de la dent 3 à 5 cm sous la zone tassée). Un diagnostic de l’état structural (mini profil 3D, tige pénétrométrique) du sol pourra être réalisé en amont pour juger de la nécessité ou non d’un travail de restructuration en profondeur.
Quelle est la date limite d’arrachage dans mon secteur ?
Les premiers résultats d’analyse du projet Prévibest permettent de mettre en avant les périodes à risque concernant les arrachages de betteraves en fonction de différents contextes pédoclimatiques. Des analyses de risques de tassements ont été conduites sur la période 2010 – 2020, en étudiant chaque année sur la période d’arrachage (de début septembre à fin décembre) à quel moment intervenaient les épisodes à risque de tassement en profondeur.
La figure de droite présente, pour un chantier avec intégrale, trois essieux et une profondeur de travail de sol de 20 cm, la date à laquelle il peut y avoir un risque de tassement sous la profondeur de travail du sol avec l’intégrale à pleine charge. Sur les dix années analysées, la date limite pour la meilleure et la pire année sont également représentées pour les différentes régions (simulations associées à leurs types de sol majoritaires).
Ces premiers résultats sont plutôt rassurants avec des dates qui représentent plutôt le début de la fin de la campagne d’arrachage. D’autant plus que la charge de la machine prise en compte pour les simulations est l’intégrale à pleine charge (60 tonnes, 10 tonnes par roue), situation qui ne concerne pas la totalité de la surface de la parcelle (surtout si l’intégrale vidange régulièrement). Toutefois ces « dates à risques » représentent plus le moment où, en cours de campagne de récolte, il faut penser à mettre en place les leviers décrits dans la page précédente. De plus, en fonction des secteurs, ce ne sont pas forcément les mêmes années qui ressortent comme les années « à risque ». Ainsi, 2013 était la pire année en Champagne (arrachage à risque dès le 5 novembre) alors que c’était la meilleure année pour la région de Lille (arrachage à risque au 10 décembre). Des résultats plus détaillés pour chaque région betteravière seront prochainement disponibles sur le site de l’ITB.
Un focus sur la région betteravière de Reims est proposé sur la figure de gauche. Sur le graphique, figurent la meilleure (2018) et la pire année (2013) ainsi que l’année 2015. Cette dernière montre que le risque de tassement est une donnée qui peut évoluer certes négativement au fil de la campagne, mais également positivement. Le mois de septembre de cette année 2015 démontre ce phénomène avec un risque de tassement (provoqué par des conditions humides) au début du mois puis une amélioration des conditions d’arrachage à la fin du mois jusqu’à la mi-novembre. Ainsi, la situation ne va pas forcément en se dégradant plus l’on avance dans l’année. 2013 représente bien une année avec des conditions d’arrachage délicates et des précipitations supérieures à la normale au cours de l’automne. Le risque de tassement a atteint 40 cm de profondeur dès début novembre. À l’inverse, l’année 2018, avec un automne plutôt sec, ne montre aucun risque de tassement en profondeur jusqu’à début décembre. Ces données historiques sont riches d’enseignement sur la dynamique d’apparition des risques de tassement en profondeur et vont permettre de mieux anticiper ces risques pour les prochaines campagnes d’arrachage de betteraves en fournissant les conseils adaptés.
Si vous ne gérez pas directement le chantier sur l’exploitation, discutez avec votre entrepreneur de récolte, ou au sein de la Coopérative d’utilisation des matériels agricoles (Cuma), de la possibilité de vidange dès qu’il y a passage à proximité du silo. Cela limitera la charge dans la machine. Une vidange d’intégrale prenant entre 1 et 2 minutes, il ne s’agira pas d’une grande perte de temps. De plus, ce sera du temps gagné pour le chauffeur en évitant de faire machine arrière jusqu’au silo à pleine charge.
Les expérimentations ont montré que plusieurs passages de roues au même endroit n’aggravent pas le tassement en profondeur (seul le tassement superficiel est plus important avec des ornières plus profondes). Dès lors, il apparaît judicieux de réserver des voies de circulation dans la parcelle pour le trajet des bennes jusqu’au silo et jusqu’à l’intégrale (comme illustré sur le schéma ci-dessous).
En conditions très humides, en roulant en crabe, la part de surface de la parcelle qui sera tassée augmente en profondeur, car chaque roue va créer une contrainte de tassement forte. En roulant roue dans roue, le tassement est profond sur une zone, mais le reste de la parcelle reste vierge de tout tassement, ce qui permet une meilleure régénération et activité biologique du sol.
Il est toujours important de réfléchir en termes de charge à l’essieu. À charge égale, une benne 3 essieux par exemple appliquera en fin de compte une contrainte moins importante sur le sol qu’une benne à deux essieux, car la charge sera répartie sur 6 roues et non pas seulement 4. Ainsi, au moment de l’arrachage, l’ITB conseille de privilégier les bennes avec le plus d’essieux.
Piloté par l’ITB, en partenariat avec Agro-Transfert et Tereos, ce projet d’une durée de trois ans et demi a traité le risque de tassement en profondeur causé par les arrachages de betteraves. Achevé en 2024, il visait à élaborer un outil d’aide à la décision permettant d’appréhender les risques de tassement en profondeur et à proposer des leviers et pistes de réflexion permettant de préserver la structure du sol. De nombreuses simulations historiques ont été étudiées pour juger de l’efficacité de certains leviers permettant de réduire le risque de tassement. L’outil, dont les modalités de diffusion ne sont pas encore finalisées, proposera à l’agriculteur de vérifier si la situation d’arrachage est à risque ou non, ainsi que des leviers pour réduire le risque de tassement.