Après des prix de betterave record en 2023, ceux de la récolte 2024 sont en net repli : nos betteraves vont être payées en moyenne 37,4 €/t à 16° contre un peu plus de 48 €/t à 16° en moyenne en 2023, indemnités comprises et sans prendre en compte la rémunération du capital investi par les adhérents dans leurs coopératives (voir détail et prix totaux dans l’article de ce numéro).

Compte tenu du rendement moyen 2024 (moyenne nationale à 80 tonnes/ha), la rentabilité est tout juste assurée.Toutefois, qu’il s’agisse de prix, de coûts de production ou de rendement, les moyennes masquent des disparités. Cela signifie que la rentabilité de la récolte betteravière 2024 ne sera pas assurée pour de nombreux planteurs, sachant qu’elle a succédé à une récolte céréalière catastrophique.

Pour la récolte 2025 qui démarre, on redoute des prix encore inférieurs, même si les groupes sucriers ont encore peu ou pas communiqué à ce sujet. À ce jour, le marché mondial est anticipé en surplus sur la campagne qui s’ouvre. Le marché européen résiste encore, mais pour combien de temps ?

Un effet ciseaux se profile puisque nos charges restent à un niveau historiquement élevé, proche de 3000 €/ha en moyenne. Or, nos rendements deviennent de plus en plus incertains, en raison de la fréquence accrue des aléas climatiques et d’une pression toujours plus forte sur nos moyens de production. Cette pression est évidemment aggravée par la distorsion de concurrence avec nos voisins européens en matière de protection insecticide. Par sa décision du 7 août, le Conseil constitutionnel prolonge cette insupportable distorsion.

Enfin, comme si cela ne suffisait pas, la Commission européenne multiplie les concessions qui ouvrent toujours plus nos frontières au sucre et à l’éthanol en provenance des pays tiers, qu’il s’agisse du Mercosur ou de l’Ukraine : la coupe est pleine !

Depuis des mois, j’entends les interrogations des planteurs vis-à-vis de la poursuite de cette culture exigeante et coûteuse, à la rentabilité incertaine. Je me dois de les relayer.

Il est crucial que les groupes sucriers prennent en compte ces inquiétudes et, en dépit de marchés moins rémunérateurs, mettent tout en œuvre pour payer au mieux les betteraves, y compris les betteraves excédentaires ! Il importe aussi de réfléchir à assouplir et flexibiliser la contractualisation au sein de nos coopératives, afin qu’un engagement rigide pour cinq ans ne se transforme en repoussoir. C’est particulièrement vrai pour nos jeunes qui, sans lisibilité, pourraient arbitrer drastiquement leur assolement !

En l’absence de signes forts, nous pourrions connaître un décrochage des surfaces dans plusieurs régions. Nous le savons, chaque tonne livrée compte pour amortir les charges fixes de nos usines. J’invite donc nos groupes sucriers à porter la plus grande attention à ces sujets majeurs pour l’avenir de la filière française.

En l’absence de signes forts, nous pourrions connaître un décrochage des surfaces dans plusieurs régions.