L’objectif des expérimentations en tunnel mises en place dans l’Aisne en 2024 et 2025 était d’approfondir les connaissances sur les interactions entre les pucerons verts et les pucerons noirs, puis de mesurer leur impact respectif sur la dispersion des virus.
Un rôle sous-estimé du puceron noir ?
Le puceron vert du pêcher Myzus persicae est reconnu comme le principal vecteur des virus de la jaunisse. De nombreux articles scientifiques ont déjà démontré que le puceron noir de la fève Aphis fabae est un vecteur beaucoup moins efficace et moins mobile que le puceron vert. Néanmoins, son rôle dans la transmission du virus de la jaunisse grave BYV ne doit pas être négligé. Dans le cadre du projet Redivibe du Plan national de recherche et innovation consolidé (PNRI-C), l’ITB a analysé les modifications du comportement physiologique des pucerons selon qu’ils cohabitent ou non sur les mêmes betteraves.
Des expérimentations en conditions contrôlées
Chaque espèce de puceron a une capacité de transmission différente : Aphis fabae transmet uniquement le BYV tandis que Myzus persicae transmet à la fois le BYV et les polérovirus (BChV, BMYV). Il est donc nécessaire de les étudier séparément pour analyser d’éventuelles variations de comportement. Les expérimentations ont ainsi été conduites au sein de deux tunnels distincts : l’un consacré au virus BYV, l’autre au polérovirus BChV. Différentes modalités sont testées au sein d’un tunnel : dans certaines zones, les betteraves ont reçu uniquement des pucerons noirs, d’autres uniquement des pucerons verts et les dernières ont reçu les deux espèces simultanément. Chaque semaine, les effectifs sont comptabilisés sur des betteraves repérées, pour analyser la progression des populations de pucerons dans le temps et l’espace. À l’apparition des symptômes, le degré de sévérité de la jaunisse est quantifié.
La présence simultanée des pucerons verts et noirs modifie leur comportement
Les expérimentations ont montré que Myzus persicae voit son abondance diminuer en présence d’Aphis fabae. À l’inverse, Aphis fabae se développe particulièrement en présence du virus BYV et sa population augmente fortement lorsque les deux espèces cohabitent (figure 1). De plus, même si le puceron noir est peu mobile, l’expérimentation a montré une très forte population d’Aphis ailés 40 jours après l’introduction des pucerons aptères dans le tunnel, alors que les effectifs de Myzus ailés restaient beaucoup plus faibles. Tous ces résultats suggèrent l’existence d’interactions interspécifiques.
Des symptômes plus sévères en cas de cohabitation
Les deux années d’expérimentations aboutissent aux mêmes conclusions :
• En présence d’un polérovirus (type BChV), le puceron noir se développe très peu et c’est donc Myzus qui assure la transmission et la dispersion du virus.
• En présence du virus de la jaunisse grave BYV, le puceron vert favorise davantage la dispersion que le puceron noir. Cependant, la cohabitation des deux espèces amplifie significativement la sévérité des symptômes.
Aphis fabae joue donc un rôle dans la dispersion des virus, mais uniquement dans le cas du BYV et lorsque Myzus persicae est également présent.
Les résultats de la figure 2 montrent les différences entre les distributions de gravité de symptômes. Que ce soit pour le BYV ou le BChV, le puceron noir est celui qui cause significativement le moins de symptômes de jaunisse lorsqu’il est seul. Pour le BChV, on aurait pu s’attendre à une absence de symptômes puisque le puceron noir n’est pas censé être vecteur du BChV. La détection de traces de BYV dans les plantes symptomatiques du tunnel BChV, probablement due à une contamination accidentelle, pourrait expliquer ces valeurs surestimées. Par ailleurs, nous observons que le puceron vert transmet aussi bien les deux virus. En présence de BChV, la modalité avec la présence simultanée d’Aphis fabae et Myzus persicae n’induit pas une augmentation de l’intensité des symptômes par rapport à la modalité où Myzus est seul. Cependant, lorsque les deux espèces sont présentes ensemble et dans le cas du BYV, la gravité des symptômes observés est significativement plus élevée que dans les modalités avec chaque espèce seule. Ce résultat met en évidence la capacité d’Aphis fabae à faciliter la transmission et la dispersion du BYV seulement lorsque Myzus est également présent.