Pourquoi avez-vous souhaité rejoindre le PNRI ?

J’ai intégré le PNRI en 2021, à la suite d’une rencontre avec Damien Andrieu, responsable agronomique chez Tereos. Ce programme m’a tout de suite intéressé, car je suis passionné d’agronomie, de recherche et d’essais techniques. J’y ai trouvé un cadre structuré, avec un accompagnement réalisé par du personnel qualifié et des échanges réguliers avec des spécialistes. Cela me permet d’expérimenter, d’avancer avec méthode et de confronter mes observations à celles des autres agriculteurs membres du PNRI.

Quels leviers testez-vous dans le cadre du PNRI ?

Depuis 2021, je travaille principalement sur les plantes compagnes associées à la betterave. La première année, nous avons testé le fenugrec, mais il présentait des difficultés de levée et une incompatibilité avec le programme de désherbage de la betterave. Nous nous sommes alors tournés vers l’avoine rude, qui s’est révélée plus adaptée. L’enjeu est de trouver la bonne densité et la bonne date de destruction pour éviter la concurrence entre l’avoine rude et la betterave. Au début, je semais l’avoine en plein, mais j’ai ensuite conçu un outil spécifique pour semer l’avoine en inter-rang. À mon avis, cela favorise un meilleur contrôle du développement de l’avoine grâce à une densité de semis mieux maîtrisée.

Nous avions également testé l’épandage de larves de chrysopes, et obtenu des résultats plutôt satisfaisants. Cependant, l’année ayant été caractérisée par une faible pression pucerons, les équipes manquaient de recul pour évaluer précisément leur efficacité. Cette solution a été abandonnée sur mon exploitation, mais elle continue d’être testée ailleurs.

Quels résultats observez-vous sur le terrain ?

D’année en année, les résultats sont encourageants. Nous constatons une réduction moyenne de 50 % des populations de pucerons sur les parcelles conduites avec plantes compagnes, et donc une pression jaunisse moindre. En complément des apports d’insecticides, c’est presque une assurance tout risque.

Comment se passe la collaboration avec les partenaires techniques ?

La coopération est très constructive. Tereos m’accompagne depuis le lancement, par exemple en ajustant la densité de l’avoine rude et en définissant la date de semis propice. Avec le temps, les essais ont montré que la synchronisation des levées donnait de meilleurs résultats. C’est du gagnant-gagnant : nos échanges constants permettent d’avancer, de partager les réussites comme les erreurs, et d’en tirer des enseignements pour la suite de la recherche.

Que vous apporte cette participation au PNRI, au-delà des aspects techniques ?

Le PNRI a permis de réunir tous les acteurs de la filière – agriculteurs, institut technique, chercheurs, sucriers et pouvoirs publics – autour d’un même objectif, pour avancer sur la problématique de la jaunisse. C’est une approche nouvelle, fondée sur l’échange. Ainsi, les informations ne viennent plus seulement d’en haut : les observations du terrain alimentent directement la recherche, créant une communication transversale, basée sur l’écoute et la confiance. En tant qu’agriculteur, on se sent impliqué, et cette reconnaissance du rôle d’expérimentateur est essentielle pour faire évoluer les pratiques. Ce serait vraiment bien d’étendre ce fonctionnement à d’autres problématiques agricoles.

Comment cette démarche s’intègre-t-elle dans votre vision de l’agriculture ?

Je suis convaincu que l’agronomie reste la base de notre métier. Mon objectif est de réduire au maximum les apports phytosanitaires, tout en maintenant la performance économique et agronomique des cultures. Cela peut paraître paradoxal pour certains, mais je m’inspire parfois des pratiques culturales des producteurs biologiques. J’estime qu’un produit plein de chimie n’est pas une bonne chose pour le consommateur. C’est cette logique que je cherche à appliquer dans mon exploitation, en combinant les leviers biologiques, mécaniques et chimiques de façon raisonnée.

Quels enseignements tirez-vous de ces essais ?

Les plantes compagnes ne sont pas une solution miracle, mais un levier supplémentaire dans une stratégie globale. Le PNRI m’a apporté une ouverture d’esprit, une rigueur d’observation et surtout une confiance renforcée dans la capacité des agriculteurs à innover collectivement. C’est cette démarche partagée, entre agriculteurs et techniciens, qui fera progresser la filière betteravière vers des pratiques plus durables.