Engagé depuis 15 ans dans une démarche de transition énergétique, Cristal Union s’est fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Après s’être focalisé sur la réduction de ses émissions industrielles, notamment en arrêtant d’utiliser du fioul au profit du gaz naturel, le groupe ouvre un nouveau chapitre en s’attaquant au Scope 3, c’est-à-dire ses émissions aval, qui regroupe près de deux tiers de ses émissions globales. « Les betteraves représentent 42 % des émissions du Scope 3, nous devons nous attaquer à l’impact de nos matières premières », explique Xavier Astolfi, le directeur général du groupe, le 10 décembre, à l’occasion du lancement officiel de cette nouvelle démarche, intitulée Cristal Vision empreinte zéro. Objectif : réduire de 27,5 % les émissions de l’activité agricole en 2030, par rapport à 2019, selon une trajectoire validée par le SBTi (science based target initiative). Ce projet s’inscrit dans la continuité du référentiel Cristal vision, créé en 2015. « Nous avons une expérience solide de dix ans, il était logique de passer à l’étape de la décarbonation », affirme William Huet, le directeur agricole de Cristal Union.

Conseils personnalisés

Pour relever ce défi, le sucrier souhaite embarquer l’ensemble de ses adhérents. Pour cela, Cristal Union s’est associé à MyEasyFarm, qui fut la première plateforme certifiée dans le cadre du label bas carbone pour les grandes cultures, en 2022. « À ma connaissance, le projet de Cristal Union est le plus important en Europe, en termes d’initiative dans le secteur agricole sur le Scope 3, cela a été un challenge pour nous », explique François Thierart, le fondateur et CEO de MyEasyfarm. L’entreprise a mis sur pied un diagnostic carbone, réalisable en une vingtaine de minutes, auquel se sont déjà prêtés tous les adhérents. « Si nous voulons mobiliser nos 9 000 planteurs, nous devons leur proposer un outil rapide, gratuit, et entièrement pris en charge », souligne Thomas Fleiter, responsable décarbonation agricole chez Cristal Union. Une fois le diagnostic réalisé, l’agriculteur a accès au niveau de ses émissions par tonne de betterave, par hectare et par exploitation, à la répartition de ses émissions par origine (engrais, carburants, etc), et peut se comparer à des moyennes régionales. Il a par ailleurs accès à des conseils personnalisés et des recommandations de changement de pratiques, sur trois sujets majeurs : les engrais minéraux, les engrais organiques et les couverts. « Nous souhaitons nous affranchir des données génériques nationales, les conseils sont adaptés selon les zones, poursuit Thomas Fleiter. Ces diagnostics nous permettent aussi de mieux comprendre d’où viennent nos émissions. »

Une prime de 0,5 à 1,5 €/t

Pour récompenser et soutenir les changements de pratiques engagés à l’issue de ces diagnostics, une prime carbone va être déployée dès la récolte en cours, pour les planteurs les plus avancés. Celle-ci se découpe en trois paliers d’émissions moyennes annuelles, en fonction du coût des leviers à mettre en place : 0,5 €/t pour les exploitations se situant entre 25 et 30 kg de CO2 eq par tonne de betterave ; 1 €/t pour celles se situant entre 20 et 25 kg CO2 eq ; et 1,5 €/t pour celles passant sous la barre de 20 kg eq CO2. À titre de comparaison, l’Ademe estime que les émissions moyennes annuelles de CO2 pour la production de betterave sont de 38 kg/t. « Ces primes seront versées tous les ans, et non au bout de cinq ans comme c’est le cas avec le label bas carbone », rappelle Thomas Fleiter selon qui les montants versés seraient deux à trois fois supérieurs aux crédits carbone. Pour l’heure, le stockage de carbone n’est pas comptabilisé mais « c’est la prochaine étape, assure William Huet. Nous devons affiner la méthode de calcul et comment affecter le carbone stocké aux différentes cultures de la rotation ». Parmi les autres projets à l’étude figurent également la modélisation de changements de pratiques, ou des mesures satellitaires des volumes de couverts d’intercultures, pour établir la quantité de carbone stocké.

Après une phase de test de trois ans, à laquelle 2 400 planteurs ont participé, la version finale de l’outil de diagnostic carbone amorce son déploiement. « Nous avons aujourd’hui un socle solide et une véritable volonté d’accompagner financièrement les planteurs », indique William Huet. Les primes sont financées par le programme Amplify, lancé fin 2022, dans le cadre duquel les clients de Cristal Union payent des premium, pour accéder à des produits issus de l’agroécologie. Ceux-ci sont ensuite redistribués aux planteurs sous forme de primes agriculture régénératrice et, désormais, prime décarbonation. En 2025, près de 2,5 M€ devraient ainsi être reversés aux agriculteurs, contre 500 k€ en 2023. Pour 2026, Cristal Union espère atteindre les 4 M€. « L’objectif est d’arriver rapidement à un tiers des planteurs adhérents touchant une prime », conclut Xavier Astolfi.