Sur le marché, les prix des pommes de terre dédiées à la transformation se sont effondrés. Que traduit cette situation ?

Pour la première fois depuis une dizaine d’années, la filière pommes de terre est confrontée à une production excédentaire caractérisée à la fois par une demande plus faible qu’attendu et une offre plus importante qu’escompté, malgré les contrats conclus. La récolte de tubercules dédiés au marché du frais ou à la transformation est excédentaire de 800 à 900 000 tonnes, bien que les rendements soient très moyens. Mais la superficie implantée de pommes de terre a progressé de 24 % en deux ans. Jusque-là, des crises similaires ont été évitées malgré l’accroissement des surfaces implantées, mais les conditions de cultures avaient été finalement défavorables.

Les contrats sont-ils respectés ?

A ce jour, ils le sont mais les planteurs savent que les négociants et les industriels seront très exigeants sur la qualité des lots et sur le respect strict des cahiers des charges et des conditions générales de livraison. Sinon, leurs pommes de terre seront déclassées ou tout simplement refusées.

Nous n’avons pas encore observé d’industriels tentés de s’approvisionner sur le marché du frais à vil prix en dénonçant unilatéralement des contrats conclus. Aucune grille de prix n’a été revue à la baisse.

L’industriel qui modifie les termes de ses contrats, même à la marge, ne respecte pas le code des Contrats, ni les dispositions de la loi Egalim. La renonciation ou la baisse des volumes de contrats par les industriels est fortement condamnable. Les producteurs ne doivent pas être responsables des mauvais choix stratégiques de leurs clients.

Si la crise n’est pas gérée dans un esprit de responsabilité, l’industrie pâtira de la défiance des planteurs alors qu’elle devra s’appuyer sur eux pour monter en régime.

Comment en est-on arrivé à cette situation ?

Pour la première fois depuis 2014, la filière pommes de terre de consommation est en crise. La responsabilité est collective et partagée. Depuis plusieurs années, les planteurs accroissent la superficie de pommes de terre plantée car cette culture est plus rentable que les céréales ou de nombreuses autres cultures de printemps.

L’hiver dernier encore, de nombreux industriels proposaient des volumes très importants à leurs planteurs historiques, mais aussi aux nouveaux venus à la recherche de productions rémunératrices. Puis ces volumes ont été revus à la baisse, parfois de 10 à 20 %. Aussi, les contrats envoyés aux planteurs portaient sur des tonnages inférieurs à ceux convenus quelques mois auparavant. Et comme les assolements étaient prévus et comme la campagne de plantation, dans certains cas, avait démarré, les agriculteurs n’ont pas pu ajuster leur assolement. Par ailleurs, les plants étaient commandés et parfois même déjà livrés.

Toutes les filières sont-elles excédentaires ?

La filière pommes de terre féculières est totalement contractualisée. La coopérative de Vecquemont et la société Roquette s’engagent sur des surfaces et collectent tous les tubercules produits et uniquement les volumes produits… Quant aux producteurs de pommes de terre en frais et à l’export, ces derniers peuvent espérer quelques opportunités dans les semaines à venir, quand le marché commencera à s’organiser. Des prix plus bas vont stimuler la demande, aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’export. Mais la concurrence européenne s’annonce vive.

Pourquoi les industriels se sont réfrénés le printemps dernier ?

La demande de frites fléchit. Les Français fréquentent moins les restaurants. La Chine concurrence l’Union européenne sur les marchés de l’export, alors que le cours de l’Euro vis-à-vis du dollar renchérit les prix des produits commercialisés européens de près de 15 % dans le monde entier. Les ventes vers les Etats-Unis ont même augmenté de près de 30 % en ajoutant la taxe Trump.

La crise remet-elle en cause l’essor de la filière ?

La filière de transformation reste une filière porteuse. Mais elle vit une crise de croissance qui ne devrait pas remettre en cause l’avenir. Des usines montent en régime, mais leurs capacités industrielles sont actuellement limitées. Aussi, les cours des pommes de terre sur le marché libre se sont effondrés.

Pour la prochaine campagne, la contractualisation devra être plus synchrone entre des besoins industriels clairement définis et le calendrier d’implantation. La grille de prix prendra bien sûr en compte l’évolution des coûts de production. En attendant, cette campagne de commercialisation 2025-2026 s’annonce très difficile.