Dans le langage courant traiter quelqu’un de « blaireau » n’est pas valorisant. C’est désigner un personnage teigneux, méchant, sournois. Le pauvre animal n’en demandait pas tant ! Car s’il est vrai qu’il a le coup de dent ou de patte facile quand on lui cherche chicane, il vit la plupart du temps en père peinard. C’est très rare de l’observer à l’air libre. Ou alors il faut se promener à l’aube ou au crépuscule. C’est à ces heures- là, en effet, que maître Tesson randonne. Plantigrade, il court à la manière de l’ours, gras comme un chanoine et chaloupant dans sa fourrure en jetant des regards inquiets. On repère sa présence par ses terriers, importantes excavations souvent creusées dans une pente pour faciliter l’évacuation de la terre. Ces demeures souterraines peuvent s’étendre sur plusieurs dizaines de mètres et comportent de multiples galeries. Le blaireau est bon enfant. Il accepte de partager le logis avec des squatteurs, comme le ragondin ou le renard.
Impossible de le confondre avec un autre animal !
On l’identifie immédiatement aux bandes longitudinales noires qu’il porte sur le museau et qui couvrent ses yeux jusqu’aux oreilles. Le reste du pelage est gris, devenant noir sous le ventre et les pattes.
Massif et court sur pattes, avec un corps allongé et une croupe plus large que les épaules, il peut faire penser à un petit ours doté d’une queue touffue.
La femelle est généralement un peu plus petite que le mâle. Il a une mauvaise vue, mais une ouïe fine et surtout un très bon odorat. Deux glandes anales produisent des sécrétions odorantes utilisées pour marquer son territoire.
Il peut déplacer jusqu’à 40 tonnes de terre !
Cet animal territorial a longtemps été présenté comme solitaire. « Sa vie est des plus tristes et des plus monotones », écrivait ainsi l’agronome Victor Rendu, en 1850. Mais on sait aujourd’hui qu’il vit volontiers en groupe et que c’est un animal social. Il s’apprivoise très bien. J’ai un ami qui, vivant à la campagne, a récemment recueilli deux petits, un mâle et une femelle (voir photo). Il les a nourris et ils sont aujourd’hui aussi familiers que de jeunes chiens, ce qui va d’ailleurs poser un problème pour les réacclimater à la vie sauvage. Sur les vidéos qu’il m’envoie, on voit les blaireautins jouer avec lui, lui mordiller les doigts et se coucher sur le dos quand il leur gratte le ventre. Il me dit aussi que les animaux sont puissants et qu’à trois mois, ils défonçaient la caisse qui leur servait de logement. Dès son plus jeune âge, le blaireau est une force de la nature. Doté d’une mâchoire puissante, de muscles vigoureux et de pattes qui ressemblent à des battoirs, il est taillé pour forer, dégager, bâtir. C’est une pelleteuse animale. Sachez qu’il peut déplacer jusqu’à 40 tonnes de terre !
Contrairement aux autres mustélidés, il ne grimpe pas aux arbres, mais peut escalader un tronc penché ou traverser une rivière sur un arbre. Il peut aussi nager.
Sa vie est réglée comme du papier à musique. Roulé en boule sur une couche de fougères au plus profond de son terrier, il dort pendant la journée. Au crépuscule, il s’ébroue et sort faire ses besoins dans ses toilettes privatives, une cavité creusée près de son terrier. Puis il va se nourrir. Il consomme des lombrics, des escargots, des charognes pendant l’hiver puis, au printemps, à l’été et à l’automne, des baies, des glands, des fruits, des champignons, des raisins, des œufs parfois, du maïs aussi. Cet animal omnivore s’accommode d’à peu près tout ce qui peut être comestible.
Les dégâts dans les cultures sont généralement modestes. Rien à voir avec le sanglier.
Vénerie sous terre
Côté chasse, le blaireau fait partie, avec le renard, des animaux de vénerie sous terre. On introduit de petits chiens dans la gueule du terrier (fox ou teckels), on suit la poursuite en collant son oreille sur le sol et quand les aboiements signalent l’accul, on retrousse ses manches et on creuse à la verticale. Un blaireau mis au ferme représente toujours une grave menace pour les chiens. Il faut donc être habile avec les pinces et le saisir le plus rapidement possible.
Le déterrage est autorisé en France et en Allemagne. Dans de nombreux autres pays européens comme l’Angleterre, l’Irlande, la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal, l’Italie ou la Grèce, c’est une espèce protégée.
Cette chasse, ouverte de septembre à janvier, est aussi possible dès le 15 mai, sur décision de la préfecture : on parle alors de « période complémentaire » de vénerie sous terre.
Ces dernières années, les associations anti-chasse ont déposé des dizaines de recours juridiques. Elles ont obtenu la suspension de la vénerie dans une vingtaine de départements. Parmi les arguments principaux retenus par les juges : l’absence de dégâts significatifs (cultures, remblais routiers) et la présence de « blaireautins » dans les terriers au printemps et en été. En effet, le Code de l’environnement interdit de tuer les petits d’une espèce dont la chasse est autorisée.
Si le renard, en expansion fulgurante, représente un risque réel pour les équilibres naturels, le blaireau – sauf exception – ne dérange pas grand monde. Sa principale nuisance est, parfois, de miner les digues. Mais le plus souvent, perdu au fond des bois, son terrier passe inaperçu et lui vit en père peinard sans déranger personne.
Pour vivre heureux, vivons cachés …





