« Nous avons besoin de continuer à produire, nous souhaitons rompre avec une vision décroissante de l’avenir, alors que les grands blocs se réarment sur le plan alimentaire ». Invité à intervenir lors de l’assemblée générale de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (Fop), le 26 novembre, Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA et ancien président de la Fop a donné le ton. « Face aux tensions géopolitiques, nous ne pouvons pas brader nos atouts, dont l’agriculture fait partie », poursuit-il, en appelant le plus grand nombre à se joindre à la manifestation prévue le 18 décembre à Bruxelles. Comme les autres filières de grandes cultures, les inquiétudes, et la colère, montent en effet sur divers dossiers européens, comme le Mercosur ou la proposition de la Commission européenne pour la Pac post-2027. « Les fonds sont insuffisants et le cadre budgétaire doit être revu, car la mécanique exclut l’agriculture des orientations budgétaires », regrette Benjamin Lammert, le président de la Fop.
Autre sujet de crispation : l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2026, du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), pour les engrais (voir page 10). « Sur le papier, cela paraît être une bonne idée, mais est-ce que cela fonctionne ? Non ! Une taxe de 150 €/t sur les engrais entraînerait un surcoût de 22 €/t pour le colza. Le marché ne peut pas l’absorber », alerte Benjamin Lammert. Intervenant dans une vidéo diffusée lors de l’événement, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard assure que la France va demander à Bruxelles l’activation d’un plan engrais, pour accompagner et soutenir la décarbonation du secteur. « Aujourd’hui, la production d’engrais décarboné est inexistante, pas un seul kilo n’est disponible, nous allons trop vite », insiste le président de la Fop.
Vigilance sur les biocarburants
Au niveau européen, les représentants de la filière sont particulièrement mobilisés sur la problématique de la fraude aux biocarburants, via l’importation d’huiles usagées depuis la Chine, ne respectant pas la règlementation européenne. Celle-ci aurait un impact de 150 €/ha pour les producteurs français, poussant le syndicat à porter plainte auprès de la Cour de justice de l’UE, pour forcer Bruxelles à agir à ce sujet. Si des mesures ont été prises, « il reste encore 40 €/t à aller chercher sur le prix de la graine », déplore Benjamin Lammert. Les représentants de la filière expriment par ailleurs, sur les biocarburants, mais au niveau national, leur « incompréhension » au sujet de la hausse de la fiscalité envisagée dans le projet de loi de finances, pour l’E85 et le B100, à laquelle les députés et les sénateurs se sont opposés. « La manière dont tout cela s’est déroulé est scandaleuse, nous demandons l’organisation d’une réelle concertation pour aborder ces sujets de manière approfondie », demande le président de la Fop.
Développer le colza robuste
Scandalisé, Arnaud Rousseau l’est aussi concernant le versement, toujours en attente, des fonds pour le programme PeaBoost, dont l’ambition est de dynamiser la recherche génétique sur le pois (voir encadré). « Depuis 2024, date à laquelle des fonds devaient être effectués, rien n’a été versé. Quel signal cela donne-t-il quand tout le monde accepte de prendre des risques, et que l’État ne tient pas ses engagements ? » La filière appelle par ailleurs à la pérennisation des moyens alloués au Parsada (1), sur lequel la Fop est mobilisée à travers sa participation à neuf programmes, mais aussi au bon déroulé des travaux du comité de solutions, prévu dans la loi Duplomb-Ménonville, pour recenser les usages prioritaires pour lesquels des moyens de lutte manquent.
Si les revendications sont nombreuses, la Fop se félicite cependant des bons résultats du colza et du tournesol, dans un contexte économique plutôt morose pour les grandes cultures. L’organisation se fixe pour objectif d’élargir les surfaces en colza robuste, qui représente à ce jour 30 % de la sole de cette culture. « Cette initiative a été identifiée dans le plan de sortie du phosmet, qui a permis de booster les travaux à ce sujet. Nous devons désormais mener un travail d’animation terrain, pour aller plus loin », estime Benjamin Lammert.
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(1) Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures.
Financé par le GIE PeaBoost, le projet Pea4ever a pour objectif de faire monter en puissance la culture du pois en France, via l’inscription de nouvelles variétés. Lancé en 2024 et d’une durée de cinq ans, il bénéficie d’un budget de 50 M€, dont la moitié est apportée par l’État. L’autre moitié est financée par les filières et des semenciers. Dans un message vidéo diffusé lors de l’assemblée générale de la Fop, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a annoncé le versement à venir de la première tranche des fonds publics alloués à ce projet. « Les cinq millions d’euros identifiés sous le Casdar dans le cadre du projet Pea4Ever sont sanctuarisés, fléchés, vers la recherche variétale. Les discussions juridiques, qui ont retardé le conventionnement, touchent à leur fin, et nous pouvons désormais aboutir. » La signature de la convention, préalable à ces versements, était imminente. « Nous attendons que cela soit véritablement fait, mais c’est un signal positif », a réagi Benjamin Lammert, le président de la Fop.





