Janusz Wojciechowski est loin d’avoir fait l’unanimité lors de sa seconde audition devant les eurodéputés le 8 octobre. Si les coordinateurs des groupes politiques de la commission de l’agriculture (AGRI) ont tous salué sa prestation, leurs homologues de la commission de l’environnement (ENVI) ont voté contre le candidat.L’avis de la commission de l’agriculture était toutefois prépondérant concernant sa candidature.

« C’est une bonne décision, je pense que nous devons lui donner une chance, en particulier s’il a l’intention de travailler étroitement avec le Parlement européen », a déclaré Ulrike Müller, la coordinatrice du groupe Renew Europe au sein de la commission AGRI, à l’issue de l’audition.

Elle a également admis que les discussions concernant le sort de Janusz Wojciechowski au sein de son groupe avaient été vives, avant que les élus ne se résolvent à le soutenir.

« Il s’est montré assez clair sur la question de la production biologique et a assuré qu’il n’y aurait pas de « renationalisation » de l’agriculture de l’UE », a relevé pour sa part Martin Häusling, coordinateur du groupe des Verts siégeant à la commission AGRI.

Pour l’Italien Herbert Dorfmann, porte-parole du groupe PPE de la même commission, Janusz Wojciechowski s’est globalement montré bien meilleur que lors de sa première audition. Mais bien que le candidat ait été beaucoup mieux préparé et plus engagé, l’eurodéputé concède que « certains doutent subsistent au sein de notre groupe politique ».

Entendu une première fois le 1er octobre dernier, Janusz Wojciechowski avait alors passé la plus grande partie de ses deux heures et demie d’audition dans les cordes, essuyant les coups incessants d’eurodéputés aiguillonnés par la réponse systématique qu’il opposait à chaque question technique : « Je suis ouvert à la discussion ».

« La dernière fois, vous m’avez donné un signal assez clair : vous ne voulez pas d’un commissaire qui soit uniquement ouvert au dialogue, vous attendez des actes concrets », a-t-il déclaré lors de son second oral le 8 octobre.

« Je suis prêt à agir », a-t-il poursuivi. « Tout ce qui concerne les zones rurales me touche de près, car j’ai été élevé dans une ferme. »

Afin de montrer que cette fois, il avait fait ses devoirs, le candidat s’est efforcé de répondre en donnant davantage de détails sur les programmes de l’UE déjà en cours.

Plus stratégiquement cependant, Janusz Wojciechowski s’est exprimé en polonais, sa langue maternelle. Cela lui a permis de donner des réponses plus circonstanciées et a contribué à la bonne tenue de la discussion.

Agriculture biologique et convergence

« Je soutiendrai l’agriculture biologique qui pourrait contribuer à la protection de l’environnement et je présenterai un plan d’action destiné à la développer », a-t-il annoncé.

Selon lui, l’agriculture biologique et les méthodes d’exploitation traditionnelles peuvent coexister car il n’y a pas de véritable incompatibilité entre les deux pratiques.

« Nous devons produire de la nourriture de qualité. Ce n’est pas la quantité qui compte, même si c’est important en termes de sécurité alimentaire. Le maintien de normes qualitatives élevées sera ma principale mission », a-t-il ajouté.

Janusz Wojciechowski a également déclaré que la convergence interne et externe des aides était en discussion. « L’harmonisation est en cours, mais nous avons besoin de plus d’ambition politique et de décisions radicales », a-t-il affirmé.

« Il faut en finir avec le problème des inégalités entre les États membres », a-t-il poursuivi, ajoutant que 15 ans après le grand élargissement, l’écart entre la vieille et la nouvelle Europe devrait appartenir au passé.

Provocations

Concernant la préservation des forêts, le candidat a souligné que l’UE devait recourir à des mesures inscrites dans le cadre de la politique agricole commune (PAC).

« Certains pays mettent en œuvre des politiques fortes », a-t-il ajouté, citant en exemple « le système de gestion très efficace » de la forêt de Białowieża en Pologne.

Janusz Wojciechowski appartient à Droit et Justice (PiS), le parti au pouvoir en Pologne. Il y a trois ans, celui-ci s’était attiré les foudres de l’UE lorsque le déboisement de la zone de Białowieża avait été lancé. L’affaire s’était soldée par une décision de la Cour européenne de justice forçant la Pologne à cesser immédiatement toute activité d’abattage dans cette région.

Le candidat a également semblé vouloir provoquer les eurodéputés sur la réforme de la PAC post 2020, lorsqu’ils lui ont demandé s’il avait l’intention de garder ou de revoir la proposition de son prédécesseur Phil Hogan.

« J’ai été mandaté par Ursula von der Leyen pour poursuivre la réforme et de la mener à terme », a-t-il déclaré. « Je connais la position que la Commission avait adoptée en avril 2019, mais je ne sais toujours pas quelle est la position finale du Parlement européen sur cette question », a-t-il ajouté.

« Surpris » par les droits de douane américains

Le coordinateur du groupe socialiste, Paolo De Castro, a interrogé le candidat sur les droits de douane appliqués par les États-Unis sur les produits agro-alimentaires européens. Les taxes ont été décidées par les Américains après que l’Organisation mondiale du commerce a statué en leur faveur et contre l’UE dans l’affaire des subventions accordées à l’avionneur européen Airbus.

« Je suis au courant de la situation et cette décision dramatique nous a tous surpris », a-t-il répondu.

« Ce n’est pas la première fois que les agriculteurs sont les victimes innocentes d’un conflit qui devrait être évité », a-t-il ajouté. Toutefois, Janusz Wojciechowski dit croire à une issue qui ne portera préjudice à personne.

« Dans le cas contraire, nous devrons évaluer les conséquences pour l’agriculture européenne et recourir à certains mécanismes d’aide. Nous avons le choix entre différentes solutions, certaines d’entre elles ont notamment été expérimentées durant l’embargo russe », a-t-il précisé, faisant référence à l’embargo mis en place par Moscou sur une série de produits agricoles européens depuis 2014.

Le futur commissaire a aussi souligné que l’UE n’avait pas besoin d’importer d’importantes quantités de soja des États-Unis. Les États membres devraient plutôt produire leurs propres protéines, a-t-il plaidé.

Gerardo Fortuna (Euractiv.com) – traduit par Sandra Moro