Début janvier, l’analyste F.O. Licht a revu à la hausse son estimation de déficit mondial de sucre sur la campagne 2019-2020, désormais estimé autour de 10 Mt. Un niveau historique : cela n’avait été vu précédemment qu’en 2008-2009.

Certes, les stocks mondiaux restent conséquents en ce début de campagne 2019-2020, mais ils sont très inégalement situés : 20 % des stocks mondiaux sont en Inde, et les stocks chinois et européens sont bien maigres. Ils finiront en outre la campagne à peau de chagrin, dans le monde entier : autour de 36 % de la consommation, un niveau historiquement bas. Même en Inde : depuis l’ouverture de sa campagne (en octobre), le pays a produit 30 % de sucre de moins que l’an passé, et il finira la campagne avec des stocks réduits de moitié.

Par ailleurs, la vigilance reste de mise : à partir d’avril, le Brésil va pouvoir allouer davantage de canne au sucre qu’à l’éthanol si le marché du sucre se reprend. Mais la demande en éthanol du pays reste forte, et les prix y atteignent des records : 20 % supérieurs à leur niveau de l’an dernier à la même époque !

D’ailleurs, la reprise du marché du sucre a été réelle à la mi-janvier : le 10 janvier, le sucre brut, sur l’échéance de mars prochain, a terminé au-dessus de 14 cts/lb : cela ne s’était pas vu depuis deux ans. Le sucre raffiné suit la tendance et dépasse les 375 US$/t (échéance mars 2020 également). Avec l’euro faible que nous avons, et la prime européenne, cela fait un prix sortie sucrerie française autour de 325 €/t, une valeur au plus haut depuis mai 2017.

La nouvelle est d’autant plus appréciable qu’il semble bien que ce soit les fondamentaux qui sont à l’oeuvre. En effet, dans le même temps, les spéculateurs ne semblent toujours pas net-acheteurs (ils sont même redevenus net-vendeurs début janvier), et le réal accuse une baisse sur la semaine.
Quand cela se répercutera-t-il sur les prix européens ? Si les prix spots du sud de l’Europe poursuivent leur tendance haussière (au-dessus de 500 €/t rendu utilisateur), on ne constate toujours que peu d’effets sur les livraisons réelles au départ de France, fruits de contrats à prix fixes. Nous ne devrions pas tarder à avoir les chiffres officiels de livraison de novembre dernier, mais, selon les experts, ils ne devraient pas différer de beaucoup de ceux d’octobre, soit un petit 320 €/t sortie sucrerie…

TIMOTHÉ MASSON, CGB