En ce mois de juillet ensoleillé, Eddy parcourt son champ de betteraves une bêche à la main. Il la plante dans une terre meuble où l’on distingue encore clairement les débris laissés par les cultures intermédiaires. « Regardez cette racine, comme elle se développe bien ! Le taux de matière organique est passé de 2,5 % à 4,8 % en moins de 20 ans. Aujourd’hui, nous avons un sol plus léger en surface. Les vers de terre ont fait leur travail sur tout l’horizon, j’en ai même retrouvé à un mètre de profondeur cette semaine. » Ce bon état des sols est le résultat des techniques d’agriculture de conservation, dont les deux frères – Eddy et Loïc – sont de fervents adeptes.

Depuis qu’ils ont mis en place l’agriculture de conservation, qui repose (pour résumer) sur le semis direct sous couvert, les deux betteraviers ont constaté une amélioration de la fertilité de leurs sols, mais aussi une ensuite ». Eddy et Loïc ont suivi des formations dispensées par la chambre d’agriculture. « Depuis 2 ans au sein du GDA Ouest aubois, on a mis en place un groupe Agriculture de conservation qui compte 10 exploitations suivies par Antonio Peirera. On échange beaucoup par WhatsApp notamment nos observations et des photos… »

Semis direct sous couvert

L’arrivée de la betterave dans un système semis direct sous couvert et d’association de cultures n’était pas évidente. Les deux frères n’hésitent pas à prendre des risques sur cette « culture qui dégage encore la meilleure marge grâce aux rendements de 110 t/ha en moyenne », précise Loïc. « Dans toutes les formations, on nous disait que la betterave posait problème pour l’agriculture de conservation, car on remue trop le sol pour le préparer, et on le compacte avec des arracheuses ». Eddy et Loïc y vont donc prudemment : 2,85 ha de betteraves l’année dernière et 7 ha cette année. Le reste est cultivé en non-labour. Ils avouent se sentir un peu seuls pour mettre au point l’itinéraire technique sur betterave.

Comment font-ils ? « On implante le couvert multi-espèces fin juillet après la moisson avec 7 espèces : féverole, vesce et lentille pour l’azote et la production de biomasse, moutarde blanche et radis chinois pour structurer le sol et lutter contre les nématodes, lin et tournesol pour leur pivot puissant. Ce couvert est détruit quand le couvert relais est semé mi-octobre : on roule le couvert avec le semoir du semis direct et on sème de l’orge, ce qui permet de prolonger le couvert jusqu’au printemps. L’orge assèche la surface du sol et restructure le sol. On sème ensuite les betteraves en semis direct dans l’orge, le plus tôt possible, du 21 au 23 mars cette année ». Le résultat a été bon l’an passé avec 81 t/ha au 15 septembre. Cette année, la sécheresse fait chuter le rendement, qui est estimé au 22 août à 55 t/ha à 20 °S de richesse.

“Strip till végétal”

Le glyphosate est indispensable pour cet itinéraire technique : 1 litre lors du semis de l’orge de printemps en octobre et 1,5 l au semis de la betterave. Que faire quand ce produit sera interdit ? Les deux betteraviers vont tenter d’innover en faisant un “strip till végétal”. Pour cela, il faudra passer à 50 cm. Avec le semoir à grains, ils sèmeront un rang sur trois avec un mélange composé de féverole, tournesol, facélie, et lin. Ces plantes vont travailler la terre en profondeur grâce à leur pivot et colorer la craie quand elles faneront. Les deux autres rangs seront semés avec du seigle. La betterave sera ensuite semée dans cette ligne de “strip till végétal”, tandis que le seigle étouffera les mauvaises herbes et sera ensuite détruit avec un antigraminée.

Si cette technique fonctionne, Eddy et de Loïc pourront peutêtre se passer de glyphosate, mais leur travail deviendra encore plus compliqué !

François-Xavier Duquenne