Pour Phil Hogan, le commissaire européen à l’Agriculture, « les États membres et non la Commission européenne décideront du soutien financier à apporter à l’innovation et à la numérisation dans l’agriculture dans la Politique agricole commune post-2020 ». Interview. Un article de notre partenaire européen Euractiv.

Les agriculteurs européens sont persuadés que l’UE est à la traine en termes d’innovation dans l’agriculture. Quels sont les plans de la Commission pour remédier à cela ?

L’UE est un leader mondial en termes d’innovation agricole et nulle part ailleurs dans le monde vous trouverez une agriculture aussi productive et aussi tournée vers le savoir. Il suffit de comparer la production par hectare ou pas animal. Le défi est d’emmener l’innovation dans les fermes et nous œuvrons à cela via le Partenariat européen d’innovation, qui est une partie clé de la PAC.

La proposition de la Commission met l’innovation et surtout la numérisation au cœur de la nouvelle PAC. Chaque État membre devra expliquer ce qu’il compte faire pour encourager l’utilisation des outils agricoles, pour améliorer l’innovation et la numérisation (agriculture de précision, utilisation de satellite). Pour mettre l’accent sur l’engagement de la Commission, nous avons augmenté le budget de la recherche agricole de 10 milliards d’euros, dont la plupart seront investis dans le domaine de l’agriculture numérique.

L’UE prévoit de durcir sa réglementation sur les pesticides, les règles de manipulation génétique deviennent plus strictes. Dans ce contexte réglementaire, comment les agriculteurs européens peuvent-ils concurrencer les agriculteurs américain ?

L’augmentation significative de la valeur des exportations alimentaires de l’UE indique que les agriculteurs européens sont compétitifs, mais qu’ils opèrent dans un environnement très concurrentiel. Tous les efforts doivent être faits pour s’assurer qu’ils restent compétitifs, et non pas seuls par rapport aux agriculteurs américains.

C’est précisément la raison pour laquelle nous investissons autant dans l’innovation et la recherche et faisons un tel effort pour faire en sorte que les avantages de cette innovation et de cette recherche se transmettent du laboratoire à la ferme.

Le numérique modifiera l’agriculture de nombreuses façons : meilleure utilisation des intrants tels que les engrais, les machines autonomes (robots et tracteurs sans conducteur), changements dans la chaîne d’approvisionnement (le marketing direct pourrait prendre une nouvelle vie), etc.

Dans le cadre de la nouvelle PAC, les États membres concevront les programmes de soutien appropriés pour soutenir les nouvelles options telles que la numérisation.

Le budget proposé pour la future PAC à l’actuelle. Qu’en est-il des fonds alloués aux nouvelles technologies ? L’innovation agricole va-t-elle bénéficier d’un soutien accru ?

Le nouveau CFP reflète un contexte très difficile – le Brexit ainsi que les nouvelles priorités et les nouveaux défis exigés par les États membres. Dans ces circonstances, je considère que le budget décidé pour la PAC est équitable et qu’il reflète une forte déclaration de soutien au secteur agricole dans toute l’UE.

Ma priorité était de sauvegarder autant que possible les paiements directs, qui constituent un soutien nécessaire au revenu des agriculteurs. Compte tenu du fait que les objectifs de la PAC après 2020 sont la simplification et la modernisation, l’innovation se verra accorder une place de choix. Les investissements dans la connaissance et l’innovation assurent une productivité à long terme.

C’est pourquoi il est tout à fait logique de concentrer le soutien sur l’innovation. Toutefois, dans le cadre de la PAC, ce sont les États membres qui décideront quel soutien précis apporter et donc quel financement pour l’innovation. La Commission a proposé une augmentation substantielle de 10 milliards d’euros du budget de la recherche agricole. L’objectif de cette recherche est, bien entendu, d’aboutir à des connaissances pratiques qui seront utilisées sur le terrain par les agriculteurs.

L’UE peut-elle augmenter le financement de l’agriculture de précision et comment les agriculteurs peuvent-ils accéder à ces fonds ?

L’expérience de la PAC actuelle, appliquée dans 28 États membres aux climats, méthodes de production et traditions différents, montre que Bruxelles ne peut plus déterminer ce qui doit être fait dans chaque État membre.

Dans la nouvelle proposition, nous définissons un certain nombre de domaines spécifiques dans lesquels des mesures doivent être prises, mais laissons aux États membres le soin de définir ce qui est nécessaire dans leur situation spécifique. Pensez au changement climatique, aux jeunes agriculteurs, mais aussi à la connaissance et à l’innovation.

À titre d’exemple, l’utilisation de robots pour traire les vaches est plus ou moins courante dans certains États membres et rare dans d’autres. Dans les régions où l’utilisation est rare, il peut être utile d’organiser des formations ou d’échanger des informations sur l’utilisation de ces robots et il peut même être utile de soutenir les investissements dans cette technologie.

Par conséquent, le budget de l’agriculture de précision dépend des besoins et des dotations budgétaires précises dans le cadre de l’enveloppe globale de la PAC que les États membres recevront.

Propos recueillis par Bogdan Neagu (Euractiv.ro) – traduit par Marion Candau